Libération du 1er avril 2017, de notre correspondant Laurent DECLOITRE
"Les assistés, ce sont les riches"
Benoit Hamon, de passage à La Réunion samedi 1er avril, compte inverser la courbe à la baisse des sondages avec son revenu universel d’existence. Une mesure attendue dans un département où 42% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté.
Sur les berges d’un étang qui s’écoule dans l’océan Indien, tout près d’un temple hindou multicolore et d’une gargote qui vend des cigarettes à l’unité, Benoit Hamon partage un cari poulet à la sauce d’huitre. Le candidat à la présidentielle, arrivé ce samedi 1er avril à La Réunion pour une visite éclair d’une journée, participe à un pique-nique avec des jeunes de Saint-Louis, dans le sud du département d’outre-mer. L’occasion de leur détailler une nouvelle fois sa mesure phare, le revenu universel d’existence, sur lequel il se sait « attendu ». A compter du 1er janvier 2018, si le socialiste est élu, ces derniers pourront percevoir dès 18 ans 600 euros mensuels.
Alors qu’il décroche dans les sondages, qu’il arrive derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen même à La Réunion, terre traditionnellement ancrée à gauche, selon un sondage paru dans la presse locale, Benoit Hamon compte sur cette promesse pour regagner le cœur des électeurs. L’île compte 95 000 foyers bénéficiaires du RSA (le revenu de solidarité active, 530€ à partir de 25 ans), soit environ 215 000 personnes. Un habitant sur quatre ! Et 42% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté.
Se présentant comme le « candidat de la fiche de paye », Benoit Hamon se dit plus soucieux « des conditions de vie des citoyens » que des sondages qui lui prédisaient, rappelle-t-il, 8% aux primaires du PS. Exemples à l’appui, il assure que le revenu universel ne sera pas une incitation à « lâcher le travail ». Une caissière à mi-temps, qui gagne 650€, percevra un bonus de 400€ ; un smicard, lui, recevra 200€ de plus qu’aujourd’hui. « Contrairement à ce que prétendent mes adversaires, le revenu universel est une incitation au travail. Je ne favorise pas l’assistanat : les assistés, ce sont les riches », assène le candidat, regrettant la remise en cause par Fillon et Macron de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Comment financer la mesure ? Benoit Hamon assure que le revenu universel coûtera moins (35 milliards d’euros) que « les aides aux entreprises du précédent quinquennat ». Il instaurera une « nouvelle taxe » sur les marges des banques, dénonçant dans la foulée le « scandale du patron de la BNP qui augmente son salaire annuel de 700 000€ et ferme 200 agences ». Le socialiste prévoit également une taxe sur « les richesses créées par les robots quand ils remplacent les employés dans les entreprises ». Selon lui, le revenu universel favorisera la consommation des ménages et, in fine, « remplira les carnets de commandes des entreprises ».
Dans l’après-midi, il a prolongé jusqu’à Saint-Joseph, où le député-maire Patrick Lebreton, dissident socialiste (Le Progrès), ainsi que le premier secrétaire de la fédération départementale du PS et quatre des sept députés de l’île, l’ont reçu chaleureusement. Plus de 2000 personnes ont assisté au meeting, dans une ambiance survoltée, sans commune mesure avec le rassemblement en demi-teinte d’Emmanuel Macron, la semaine précédente. L’ancien frondeur tape à tout va. Marine Le Pen ? « La fille d’une dynastie de bourgeois, la moins bien placée pour défendre les pauvres ». François Fillon ? « Indigne de représenter la France de demain ». Emmanuel Macron ? « Il a pris la pause devant les photographes pour couper une canne à sucre, alors qu’il veut supprimer le compte pénibilité des travailleurs ! » De ses concurrents, seul Jean-Luc Mélenchon échappe aux piques.
Le socialiste enchaine sur l’éducation (20 élèves en CP, CE1 et CE2 dans les territoires d’outre-mer, soit 3000 créations de postes), la transition énergétique (autonomie de La Réunion), la sixième République… Pendant ce temps, la fanfare qui l’avait accueilli au pique-nique avec le tube local, « Jessica na couraz », range ses instruments. Du courage, il en faudra au candidat pour remonter la pente des sondages…
Laurent DECLOITRE
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