Sus aux pêcheurs pirates !
La pêche illégale est une constante dans l’océan Indien, comme l'illustre l’arraisonnement d’un navire vendredi, au large de Madagascar.
Un massacre. Dans les soutes du Shun Feng, 3,2 tonnes d’ailerons de requins. Soit 65 tonnes de squales pêchés, dépecés et la moitié rejetée à la mer ! Le palangrier pirate, qui battait pavillon taïwanais, a été arraisonné vendredi soir à 200 km à l’ouest des côtes de Madagascar par un patrouilleur de la Commission de l’océan Indien (COI), qui participe à la surveillance de la zone économique exclusive (ZEE) de ses membres. A savoir les Seychelles, les Comores, Maurice, Madagascar et la France, présente via la Réunion, les Iles Eparses dans le canal du Mozambique et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le grand sud.
Les ailerons de requins, très prisés sur le marché asiatique, sont l’objet de convoitise dans cette partie du monde, tout comme le thon ou encore la légine, un poisson vivant dans les eaux froides des mers australes, dont sont friands les Japonais et les Américains. Si la pêche au requin peut être autorisée, précise Xavier Nicolas, coordonateur du Plan régional de surveillance des pêches de la COI, « la pratique du shark fining (découpe des ailerons) est totalement interdite, car elle menace une espèce halieutique fragilisée ».
Des cinq pays, c'est la France qui possède la plus vaste zone économique exclusive : 2,8 millions de km². De ce fait, la Réunion est à la pointe de la lutte contre la ruée vers « l’or blanc ». Entre 1997 et 2001, 22 navires pirates ont été arraisonnés et déroutés par les frégates et les patrouilleurs de la Marine nationale, la dernière interception remontant à l’an dernier. Mais la zone est immense, quasi déserte. « Il faut parfois deux semaines pour rejoindre un palangrier suspect », rapporte Nicolas Le Bianic, directeur du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de la Réunion.
Aussi, outre la coopération avec la COI dans la partie nord de l’océan Indien, la France et l’Australie se sont entendues pour couvrir leur zone économique exclusive respective, près des îles Kerguelen, à plus de 3000 km au sud de la Réunion. Une façon de maintenir une présence tout en réduisant les coûts « en termes de jours de mer de transit », se félicite la Marine nationale.
Autre renfort, inattendu : les « prises de guerre »… En juin 2004, l’Albatros, le patrouilleur de la Royale, repère un pirate, qui prend la fuite malgré des coups de canon et des tirs de mitraillette. Après une course poursuite, le navire est intercepté ; rebaptisé Malin, il appartient désormais à la Marine française et participe à la traque de ses anciens comparses ! Le Lince avait connu le même sort un an auparavant : l’Osiris, de son nouveau nom, est financé conjointement par les Affaires maritimes et les armateurs privés de la Réunion, qui ont tout intérêt à couler l’activité de leurs concurrents hors-la-loi.
La France bénéficie d’une arme supplémentaire, plus redoutable encore : le satellite-radar. Grâce à cet outil, le Cross de la Réunion reçoit « tous les jours » des photographies de la zone sud, qui lui permettent de repérer les navires suspects. Mais les pirates ont trouvé la parade : ils opèrent désormais hors des ZEE nationales, près du pôle sud. Là, ils peuvent être « observés, harcelés…mais pas appréhendés », déplore Nicolas Le Bianic, du Cross, s’ils ne font pas partie des 25 pays signataires de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marine de l'Antarctique. La guerre de la légine n'est pas prête de se terminer...
(l'article sera publié la semaine prochaine dans Libé, en version écourtée)
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