Économie Libé du 11/09/2010
A la Réunion, le secteur du BTP chancelle
«Arrêtez le massacre, le bâtiment est à terre !» Un millier de manifestants, ouvriers, mais aussi architectes, géomètres, maîtres d’ouvrage, promoteurs, artisans et patrons de grosses entreprises, ont défilé hier à Saint-Denis de la Réunion pour protester contre l’arrêt successif de nombreux chantiers sur l’île.
Au premier rang des accusés : Didier Robert, le nouveau président UMP du conseil régional, qui, une fois élu en mars, a stoppé le projet pharaonique d’un tram-train, mis en route par l’ex-majorité communiste. Un chantier de 1,6 milliard d’euros, dont le tour de table financier n’était pas totalement bouclé. «On joue le développement économique de la Réunion à la roulette russe, au gré des élections», se désole Bernard Tillon, secrétaire général de la puissante Fédération régionale du bâtiment et travaux publics. «C’est lamentable d’arrêter un tel projet pour des raisons politiques, et de ne mettre aucune alternative en face», renchérit Jacky Balmine, leader de la CGT Réunion du BTP.
Le secteur a perdu près de 10 000 emplois en deux ans, et a vu son chiffre d’affaires annuel chuter de 30%. Face aux protestations, Didier Robert communique à coups d’encarts publicitaires sur son «plan de relance». Il affirme n’avoir perdu «aucun euro» des 435 millions que le gouvernement devait injecter dans le tram-train, en complément de l’Europe et la région. Le patron de la droite locale a pu renégocier avec François Fillon le «protocole de Matignon», paraphé en 2007 par l’ex-Premier ministre, Dominique de Villepin. Mais les nouveaux travaux qui devraient être ainsi financés, comme la «route du littoral» ou encore le «Trans Eco Express», un réseau de 2 000 bus en site propre, ne débuteront pas avant deux ans. Trop tard, à en croire les entreprises du BTP.
Martin Bouygues, qui emmenait le groupement chargé de construire le tram-train, a annoncé qu’il réduisait de 2 400 personnes les effectifs de sa filiale Colas. Le motif ? «Nous avions investi des sommes considérables en études commerciales, note le PDG du groupe Colas. Ces annulations ont un impact non négligeable.» Dans ces conditions, un opportun Conseil supérieur de la commande publique, installé le 31 août par le préfet de la Réunion, risque bien de n’être qu’une coquille vide.
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