Le 19 février 2009 (blog)
Paul Vergès, président de la plus grande région d'outre-mer -La Réunion- n'a pas assisté aujourd'hui à la rencontre entre Nicolas Sarkozy et les élus des Dom-Tom. Raison invoquée : un voyage prévu de longue date en Inde, pour une mission de coopération régionale.
Avant de s'envoler pour New-Delhi, l'homme fort de La Réunion a dit espérer « un miracle » ...sans se faire de grandes illusions. Le leader historique -bientôt 84 ans- du parti communiste réunionnais craint que La Réunion ne s'apprête à vivre « les mêmes événements qu'en Guadeloupe ». L'étincelle qui pourrait provoquer l'embrasement ? L'appel à la grève générale le 5 mars, lancé par un collectif. « Les conditions d'explosion sont infiniment plus élevées », assure-t-il même. Et de citer le taux de chômage, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté ou d'érémistes, le taux d'illettrisme... « En Guadeloupe, la transition démographique est terminée. Pas chez nous, si bien que de plus en plus de jeunes obtiennent des diplômes d'encadrement sans trouver d'emploi », dénonce-t-il. Les Guadeloupéens pointent du doigt les « békés », descendants des colons blancs, Paul Vergès vise les cadres « recrutés à l'extérieur », en clair les « zoreys » (les métropolitains vivant à la Réunion). Autre cible : les fonctionnaires. « Je ne veux pas en faire des boucs émissaires, mais pourquoi l'Etat bloque-t-il les minimas sociaux des Réunionnais les plus pauvres au niveau de la métropole alors qu'il sur-rémunère de 53% ses agents travaillant dans l'île ? »
Paul Vergès dit vouloir en finir avec « les contradictions » de l'Etat, avec « le clientélisme, l'assistanat et la précarité » du « vieux modèle colonial ». Sinon, prévient-il, « c'est toute La Réunion qui sera bientôt un chaudron », une référence explicite aux émeutes de 1991, dans un quartier populaire de Saint-Denis, qui s'étaient soldées par la mort de 8 personnes.
L.D.
Ce que Paul Vergès a dit d’autre sur :
- les fonctionnaires
« A La Réunion, les fonctionnaires perçoivent une sur-rémunération de 53%, contre 40% en Guadeloupe. D’un côté, on a un repli sur la précarité et la pauvreté, une société qui survit par la solidarité sociale, de l’autre une dynamique animée par la fonction publique. Cela pose évidemment des problèmes de cohésion sociale. La sur-rémunération se répercute sur les autres services, comme la sécurité sociale, les assurances, les banques, RFO… C’est une construction complètement artificielle mais il serait trop facile d’en accuser les bénéficiaires. Je ne remets pas en cause leurs primes ; j’avais proposé qu’elles soient versées dans un fonds public, sous forme d’épargne, qui leur rapporteraient des intérêts après une certaine période ».
- l’emploi
« Si les jeunes formés à la Réunion ne trouvent pas d’emploi, c’est en partie dû aux règles nationales, qui prévalent par exemple pour les concours, l’ancienneté etc… Si ces règles vont à l’encontre des intérêts des Réunionnais, faut-il les maintenir ? Je répondrai en vous donnant cet exemple : à l’époque de la poussée démographique, quand il fallait construire des dizaines d’école, un concours d’instituteurs remplaçants a été mis en place, avec comme critère d’exigence le seul brevet élémentaire, en-dehors de toutes les règles de l’époque. Ce sont ces enseignants qui ont formé les Réunionnais d’aujourd’hui.
Autre élément : la sur-rémunération des fonctionnaires est constituée de 35% de vie chère et d’un index de correction du franc CFA…qui a disparu. Si l’Etat maintient cette spécificité, il peut en accepter d’autres ! »
- Aubry et Lurel
« En Guadeloupe, les acteurs traditionnels n’arrivent plus à intervenir. Les élus ne sont plus considérés comme les porte-parole des revendications. Je ne connais pas de discours plus éclatant de non prise sur le terrain que les larmes aux yeux de Victorin Lurel, le président du conseil régional de Guadeloupe. Et comment une personne aussi intelligente que Martine Aubry a-t-elle pu dire que Chriac ou Mitterrand aimaient l’outre-mer ? Il ne s’agit pas de sentiment ou de psychologie ! »
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