Il est resté trois mois sur Europa, trois mois loin de sa famille et de ses amis laissés à la Réunion. Les tortues vertes ou imbriquées, les courlis, les tourne-pierres, les requins à pointe noire ont comblé ce vide. Fabien Jean, éco-volontaire pour le compte de Kelonia (Saint-Leu) a la peau tannée d'un Robinson Crusoé qui ne sait plus trop où il habite. « Je me réjouis de l'accueil chaleureux que mes proches me réservent, balance le jeune homme. Mais j'ai peur de ce retour à la civilisation ».
Sa mission ? Mesurer la température de la chambre d'incubation des nids de tortues, à 30 cm de profondeur, dans le sable chaud d'Europa. Les degrés déterminent le sexe futur des reptiles. Une expérimentation qui s'inscrit dans un programme de recherche plus vaste sur le réchauffement climatique. Au fil des marées et des nuits blanches passées à compter les montées des tortues, venues du grand large pondre sur leur île de naissance, Fabien est devenu un expert. Un nuage de mouches au-dessus d'un renfoncement de sable ? Un « émergement » ! Effectivement, quelques minutes plus tard, des dizaines de bébés tortues pointent leur nez du sable et se précipitent vers le lagon. L'éco-volontaire, qui a bagué 80 tortues en trois mois et 50 paille-en-queue à brins rouges, transmet son savoir et enthousiasme au visiteur. La balade dans la forêt d'euphorbes et de ficus, la baignade dans le lagon intérieur, la découverte de la mangrove font le reste : et si l'on s'échouait sur Europa ? Mais déjà les monstrueuses hélices du Transall des Fazsoi (Forces armées de la zone sud de l'océan indien) vrombissent. Il faut repartir. Fabien a enfin une vision globale de « son » île ...à travers le cockpit.
L.D.
La reprise en main des Taaf
Les Taaf, qui ont repris la gestion des îles éparses depuis peu, veulent s'assurer de la préservation de ces sanctuaires. Mais le contrôle de l'administration ne s'étend pas qu'aux touristes... Les journalistes qui souhaitent se rendre sur place pour y réaliser des reportages sont invités à donner « une image positive » des îles éparses. Sinon, pas de place dans le Transall... Pour le moins maladroit !
L.D.
Energie polluante
C'est un comble pour des réserves naturelles : l'énergie qui sert à produire l'électricité est fournie par des groupes électrogènes fonctionnant au diesel. Les éoliennes et autres panneaux photovoltaïques seraient trop compliqués à entretenir dans ces îles soumises, il est vrai, à des contraintes climatiques fortes. Et ce n'est jamais simple d'appeler un technicien depuis le canal du Mozambique... Par ailleurs, se pose la question des batteries, inévitables pour ce genre d'installations. Or elles n'ont qu'une durée de vie limitée et sont intransportables en avion.
L.D.
Une facture d'eau salée
Aussi incongru : des osmoseurs désalinisent l'eau de mer sur Europa depuis trois ans. Les analyses prouvent que le liquide est parfaitement potable. Mais des règlements administratifs, qui stipulent qu'on ne peut traiter soi-même son eau, empêchent les militaires et scientifiques présents sur place de s'en désaltérer. Du coup, l'eau arrive par milliers de bouteilles plastiques, alors que les osmoseurs produisent, en consommant du diesel, de l'eau qui ne sert qu'aux toilettes !
L.D.
Tourisme de luxe
En octobre, les Taaf ont autorisé un tour opérateur tanzanien à affréter deux groupes de 11 touristes européens pour de la plongée sous-marine. Coût depuis la métropole : environ 6000 euros... Voilà la pub, alléchante, du Kairos, sur son site.
« Bassas da India et Europa, deux îles françaises qui émergent de l'océan indien, au beau milieu du canal du Mozambique. Deux trésors jalousement cachés, où la nature n'a jamais perdu ses droits. Classées réserves naturelles depuis 1975, les îles Eparses sont considérées comme de formidables sanctuaires écologiques pour le suivi des récifs à l'échelle mondiale et l'observation de la faune sous-marine. Des récifs coralliens exclusivement réservés au monde scientifique, totalement interdits au public et surveillés en permanence par l'armée française. Avide d'aventure et de nature préservée, The Kairos Company a signé une convention avec les autorités françaises pour l'autorisation exceptionnelle d'y mener 2 expéditions, au départ de Tuléar à Madagascar.
Nous espérons y contempler une faune benthique conséquente, une importante collection de gros requins océaniques (marteaux, silvertip, tigres, bullshark, ...), mais aussi un grand nombre de tortues et peut-être des mammifères marins (dauphins,baleines à bosse et australes). Nos 2 expéditions seront encadrées par le naturaliste passionné Patrice Petit-Devoize, Président de la commission Biologie et Environnement de la FFESSM.
Découvrir, explorer, comprendre et respecter seront les maître-mots de ce voyage enfin devenu réalité.Dates 4 octobre et 15 octobre 2008. 11 jours/10 nuits au départ de Tuléar - Madagascar. »
L.D.
Pas vraiment un PV
Un catamaran sud-africain a bel et bien été verbalisé à Bassas da India, pour mouillage non autorisé. Mais la Grandière, le bâtiment de transport léger (Batral) de la Marine française basée au Port, à la Réunion, n'a dressé en fait qu'un procès-verbal « de renseignement ». Explication de cette mansuétude, par le commissaire principal de marine, Arnaud Guigné : « D'une part, les huit jeunes qui étaient à bord ont assuré qu'ils avaient eu une avarie. Ils ont mis les voiles très vite. D'autre part, la réglementation française qui devait s'appliquer, en l'occurrence une violation du droit de passage, est mal adaptée. Il faudrait pouvoir appliquer une police de navigation plus sévère, puisqu'il y a violation des eaux territoriales françaises ». Visiblement, ce n'est pas encore possible...
L.D.
Des missions scientifiques variées
Il y a quasiment en permanence des scientifiques sur une des cinq îles éparses. Les missions sont diverses : éradication des rats et des chats programmée sur Juan de Nova et Europa, sous l'égide du laboratoire de l'université de la Réunion Ecomar ; (à Tromelin, ces mesures ont permis une augmentation des colonies d'oiseaux marins) ; éradication du sysal (choka vert) sur Europa, en partenariat avec l'ONF et le Conservatoire botanique des Mascareignes ; suivi de la faune aviaire dans le cadre du programme Rémige ; suivi des tortues de mer, avec Kelonia et l'Ifremer ; (des tortues vont être baguées et équipées de balises Argos et remises à l'eau loin au large des îles éparses) ; études des coraux et de la lentille d'eau à Glorieuses...
L.D.
Décollage raté
Petite frayeur lors du décollage depuis la base aérienne de Gillot. Alors que le Transall arrivait en bout de piste en vrombissant, le pilote a soudain freiné. Tous les passagers ont été ballottés les uns contre les autres et quelques cris ont été entendus... Plus de peur que de mal, mais il a fallu emprunter le second Transall. Les moteurs du premier présentaient des signes inquiétants, notamment une vibration excessive.
A bord de l'avion, 2,1 tonnes de matériel : matelas, débroussailleuses, tronçonneuses, piles au lithium, extincteur...
L.D.
Le vent est en panne
Parmi les passagers, deux techniciens de Météo France. « Le vent est en panne », justifient Patrick Lauret et Didier Gauvin. En clair, le dernier cyclone, Jokwe (8 morts au Mozambique) a détruit l'abri de l'anémomètre, il faut le reconstruire. A Europa, la station est automatisée, comme ailleurs, à l'exception de Tromelin. Là, Météo France maintient une présence humaine, car l'îlot est situé sur la route des cyclones. Les météorologues sont relevés tous les mois, les techniciens, des ouvriers d'Etat, tous les trois mois...
L.D.
Une gourde à la place du pistolet
Les détachements militaires sont composés des soldats du 2ème RPIMA de Saint-Pierre et de la Légion étrangère de Mayotte. Sur toutes les îles, ils sont accompagnés d'un gendarme, le seul habilité à assurer réglementairement la souveraineté française. Le gendarme Grumelec est enchanté de sa nouvelle mission qui le change de sa brigade de Sainte-Marie : « Je vais troquer mon Sig pro contre une gourde », plaisante-t-il.
L.D.
Des infos complémentaires
Je n'ai pas traité les éléments historiques, passionnants, qui s'attachent à chacune des îles éparses. Toutes ont été plus ou moins longuement habitées par des civils, certaines ont été exploitées à des fins commerciales. D'autres ont connu des destins tragiques. Pour en savoir plus : http://www.taaf.fr/rubriques/districts/ilesEparses/iles_introduction.htm
Le service communication pourra également vous renseigner : amandine.george@taaf.fr
L.D.
Commenter cet article