A la Réunion, les patrons manifestent pour leurs niches
LAURENT DECLOITRE
Sa dernière manif remonte à… mai 68. Daniel Delanis, costume cravate, battait hier le pavé, devant la préfecture de Saint-Denis, à la Réunion. «Je suis venu soutenir mes clients, les entreprises», justifie le directeur départemental de BNP-Paribas. A ses côtés, environ 200 manifestants représentant 35 organisations : des patrons du Medef, de la CGPME ou du Conseil national des professions de l’automobile, des fédérations (BTP, artisans boulangers…), des syndicats patronaux (fabricants de sucre, agences de voyages, pharmaciens…) et même l’ordre des architectes.
La raison de ce rassemblement surprenant de cols blancs, qui s’est aussi déroulée en Martinique ? Le projet de loi de finances 2009, dont deux mesures hérissent les chefs d’entreprise : le plafonnement des niches fiscales, qui va rendre moins attractifs les investissements dans les départements d’outre-mer, et la réforme des exonérations de charges sociales qui seront moins importantes sur les gros salaires. «On n’est pas là pour défendre nos marges, prévient François Caillé (Medef). Notre job, c’est de créer de l’emploi pour que nos compatriotes aient du boulot.» Derrière des manifestants portant casque blanc et chasuble jaune flambant neufs, René-Paul Victoria applaudit. Le député (divers droite) de Saint-Denis ne votera pas la loi, «si elle reste en l’état».
Selon Pascal Thiaw-Kine (CGPME), c’est «une remise en cause brutale des piliers du développement économique de l’île». La défiscalisation des investissements, dans les secteurs de la production et du logement, représente un apport de plus d’un milliard d’euros par an pour l’économie réunionnaise. Et les chefs d’entreprise économisent 80 millions du fait des exonérations de charges. «Grâce à ces deux outils» , la croissance a pu atteindre les 5 % annuels dans le département et le chômage chuter de dix points en quinze ans (il est toujours de 25 %), assure Maurice Cérisola, président de Réunion économique, qui regroupe, outre les syndicats patronaux, l’Agence de développement et la chambre de commerce et d’industrie.
En 2003, Brigitte Girardin, alors secrétaire l’Etat à l’Outre-mer, avait qualifié les patrons réunionnais d’«enfants gâtés», toujours en train de réclamer, «la bouche pleine». Aujourd’hui, Yves Jégo, son successeur, est plus conciliant. Il a demandé à Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, de «maintenir l’intérêt économique des dispositifs fiscaux pour l’outre-mer».
(photo Pierre Marchal)
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