Les bisons de Pologne, les phoques d’Ecosse… D’accord, mais le pétrel noir de la Réunion ? Cet oiseau marin est en danger critique d’extinction,tout comme le bénitier géant de Tahiti, un coquillage. La conférence internationale qui s’ouvre aujourd’hui à la Réunion, sur le thème «Stratégies face au changement climatique et à la perte de biodiversité», a pour but de mobiliser les consciences, sinon les finances. C’est la première réunion de travail de la présidence française de l’Union. «L’Europe s’est engagée à enrayer la perte de biodiversité avant 2010 ; elle a pris des mesures pour le continent, mais pas pour l’outre-mer !» Un paradoxe, selon Jean-Philippe Palasi, de l’Union internationale pour la conservation de la nature, puisque c’est dans les sept régions ultrapériphériques de l’Europe (Açores, Canaries, Guadeloupe, Guyane, Madère, Martinique, la Réunion) et ses vingt pays et territoires d’outre-mer (les îles Sandwich, Sainte- Hélène, Anguilla, etc.) que la biodiversité est la plus riche… et la plus menacée.
Mobilisation. Côté pile, la Nouvelle-Calédonie compte 2 423 espèces endémiques - qui n’existent nulle part ailleurs - alors que l’Hexagone n’en abrite que 353. Côté face, 75 % des espèces éteintes ces quatre cents dernières années vivaient dans les 350 îles de l’outre-mer européen.
L’objectif n’est pas gagné, puisque le drapeau de six pays seulement (France, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) sur les Vingt-Sept, flotte en outre-mer. Jean-Louis Borloo, qui s’est rendu hier en hélicoptère dans le cirque de Mafate, le cœur du parc national de la Réunion, reconnaît que le sujet n’est pas encore «tripal» chez les Polonais…
Mais le ministre de l’Ecologie veut croire que le modèle réunionnais fera école. L’Etat y a lancé «Gerri», un programme à long terme de développement durable, pour faire de l’île la vitrine mondiale en la matière. Pas moins. D’ici 2030, la Réunion ne devra, par exemple, plus importer de pétrole ni de charbon, et les avoir remplacés par l’hydraulique, les résidus de canne à sucre, la géothermie (grâce au volcan), la force de la houle… Et les voitures iront «faire le plein» dans des stations de panneaux voltaïques. Le temps presse. Si la biodiversité est menacée, c’est en partie dû aux changements climatiques.
Cri d’alarme. Chris Thomas, biologiste anglais et auteur d’un rapport selon lequel 15 à 37 % des espèces pourraient disparaître d’ici 2050 à cause du réchauffement, lance un cri d’alarme - «No place to go !» - à propos d’espèces fragiles qui, confrontées au réchauffement, ne savent pas s’adapter. Des écosystèmes risquent de disparaître, tandis que des espèces invasives vont profiter de l’opportunité. La mouche bleue ou le pissenlit sont apparus sur Kerguelen, dans l’Antarctique, mettant en péril l’équilibre de l’île française. A La Réunion, le latanier rouge et le palmiste bâtard (des palmiers), le tuit-tuit (un moineau), le papangue (un rapace) sont menacés. Quelques degrés de plus et ce sont les coraux du lagon de l’ouest de l'île qui vont blanchir. Ou ceux de Maurice : durant le dernier été austral, l’île «sœur» a enregistré des températures jamais égalées en cinquante ans ! Mais la nature donne des raisons d’espérer : la roussette noire, une chauve-souris qui avait disparu de la Réunion, vient d’être observée pour la première fois.
Commenter cet article