Free Dom, les ondes à tout faire de la Réunion
Radio. Rapt, embouteillage, objets perdus, chasse aux suspects : la libre antenne de cette station locale est au cœur de la vie de l'île.
De notre correspondant à Saint-Denis de la Réunion LAURENT DECLOITRE
Vendredi 6 juin 2008
Un accident sur la «route du littoral» ? Les automobilistes appellent Free Dom avant les secours. Un portefeuille perdu ? Les gendarmes suggèrent de composer le numéro de la radio. Plus efficace... C'est encore à la fréquence 97.4 que les familles s'adressent pour retrouver un proche. Mercredi, un père «inquiet» appelait de métropole à la recherche de son fils, installé sur l'île. L'an dernier, c'est en partie grâce à Free Dom que le gourou d'une secte a été interpellé après avoir enlevé un garçon. Les auditeurs ont traqué le véhicule du pédophile. Le colonel de gendarmerie remerciera la radio pour son aide dans la chasse à l'homme...
A la Réunion, Free Dom est une institution, la première radio d'outre-mer, qui, avec 35 % d'audience, devance de 15 points la radio publique RFO. Une radio qui dépanne en instantané, et souvent en créole ; en France, c'est un cas unique de libre antenne 24 heures sur 24. Cette information fabriquée en direct par les quelque 250 000 «auditeurs-journalistes», diffusée sans contrôle, entraîne des dérapages au pays des «ladi lafé» (rumeurs). En 2004, le CSA lui adresse une mise en demeure pour atteinte à «la dignité de la personne humaine» et à «l'ordre public». L'animateur a laissé un auditeur décrire dans le détail le corps d'une femme décédée. Même laxisme lorsque des « freedomiens» ont appelé au châtiment d'un suspect, après l'annonce - infondée - du viol d'un enfant. «C'est une radio à risques ; les animateurs naviguent en borderline» , juge Blandine du Peloux, du Comité technique radiophonique, l'antenne locale du CSA.
Peu de musique et d'information sur Free Dom, si l'on excepte la lecture des journaux locaux et, pour l'info nationale et internationale, des flashs d'Europe 1, en décrochage. En revanche, les témoignages les plus poignants sont repris en boucle. «On garde de préférence le moment où l'auditeur pleure», confie une ancienne animatrice. Une grille low-cost, à l'image du studio, qui ne paie pas de mine.
Il suffit à «Dieu» d'ouvrir les micros. C'est le surnom de Camille Sudre qui a «libéré» ce département d'outre-mer (free DOM) en 1981. En 1986, il veut adapter la formule sur le petit écran. Mais le CSA ne lui accorde pas de fréquence ; les émetteurs de Télé Free Dom sont saisis en 1991. Les manifestations qui suivent dégénèrent. Bilan : huit morts dans le quartier du Chaudron. Un an plus tard, Camille Sudre se lance dans la politique et devient président du conseil régional. La justice invalide l'élection, estimant que le temps passé à l'antenne de Free Dom aurait dû être comptabilisé.
Aujourd'hui, Sudre, 60 ans, s'apprête à relancer Télé Free Dom, sur la TNT.«Les gens pourront nous envoyer en direct les images qu'ils filmeront avec leur téléphone portable», jubile-t-il. Promis, les happy slappings seront interdits...
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