Environnement. Les premières discussions en régions ont eu lieu vendredi.
Par Guillaume LAUNAY (À BOURGES) et Laurent DECLOITRE (À LA RÉUNION)
Samedi 6 octobre 2007
Confiné à Paris depuis trois mois, le Grenelle de l’environnement prend l’air. Vendredi, c’est à Bourges et à Saint-Denis de la Réunion que se sont tenus les deux premiers débats publics en région.
Un maire ancien ministre de l’Ecologie, voilà qui tombe bien pour lancer le débat. Serge Lepeltier a donc ouvert la séance, en début d’après-midi, dans un auditorium de Bourges rempli, lançant aux plus de 450 personnes présentes : «L’écologie a besoin de vous.» Pendant qu’à l’extérieur trente manifestants de Sortir du nucléaire et de Faucheurs volontaires tentent de déplacer l’animation, la salle écoute sagement les comptes rendus des six ateliers du matin, répliques «en plus concret» des débats nationaux en 2 h 30 chrono - avant de prendre enfin la parole. Malgré l’exhortation de l’animateur à éviter les problématiques trop locales, chacun est venu avec son expérience et entend bien en faire profiter l’audience ; et le dossier qui préoccupe tout le monde dans la région Centre, c’est celui des OGM. Maarteen Suijlen, agriculteur bio dans le Loiret, demande au préfet d’ «envoyer des hélicoptères et des CRS pour empêcher les OGM d’entrer chez [lui]» . Applaudissements. Riposte de Yann Fichet, au nom des producteurs de semences, défendant «le choix des consommateurs et des agriculteurs» et assurant qu’une «coexistence est possible». Applaudissements moins nourris. Et le dossier rebondit de travée en travée, de «moratoires» en «responsabilités des pollueurs» . D’autres sujets parviennent à se glisser, de l’éducation aux boues d’épandages en passant par les éoliennes, l’habitat ou les limitations de vitesse. La salle est attentive. Agriculteurs, représentants d’associations et élus prennent la parole pour partager leurs inquiétudes, notamment sur le financement. Sur la scène, devant quelques plantes vertes, les représentants des groupes de travail nationaux prennent à peine la parole. «On est surtout là pour écouter, confie le climatologue Jean Jouzel. Ici, les questions comptent plus que les réponses.»
La Réunion en quête de fonds
Le latanier rouge, le bois de senteur blanc, le pétrel noir, le tuit-tuit… La flore et la faune de la Réunion abritent des centaines d’espèces endémiques qui n’existent nulle part ailleurs. L’île, candidate au Patrimoine mondial de l’Unesco, est l’un des 34 «hot spots» de la biodiversité mondiale. Et 36 % de l’électricité y est produite avec de l’énergie renouvelable, trois fois mieux qu’en métropole… Voilà ce qui a poussé le gouvernement à organiser, vendredi à Saint-Denis, le seul débat public pré-Grenelle en outre-mer. D’autres Domiens s’en sont d’ailleurs montrés fort marris. José Gaillou, second vice-président de la région Guyane, qui s’est «invité» à la manifestation, a souligné que «la Réunion ne peut pas agir seule et avoir assez de force contre la stratégie nationale».
Dans la salle, Christian Estrosi, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, a clos ces assises, qui ont rassemblé quelque 300 personnes, avec de subits accents verts. En 2003, ce grand motard avait déposé, en vain, un amendement pour autoriser les 150 km/h sur autoroute ; aujourd’hui, il fait sienne la proposition de réduire de 10 km/h la vitesse en voiture… Arrivé en auto hybride, il a souhaité que la Réunion devienne «champione du monde de l’écologie». Et annoncé la création d’un Observatoire biodiversité et valorisation de l’espace maritime français.
Les Réunionnais, eux, avaient essentiellement une idée en tête : obtenir de l’argent. Selon Roger Kerjouan, le directeur régional de l’Environnement, il faudra 19 millions d’euros d’ici à 2010 pour mener à bien les projets classés «priorité 1» en matière de biodiversité. Or même «dans un scénario favorable», l’île ne peut espérer que 7,5 millions de l’Etat, l’Europe et les collectivités. Henri Grizel, délégué régional de l’Ifremer (1), prévient : «Il faut des financements, sinon on va se contenter d’écrire un énième bouquin vert !» Daniel Lucas, directeur du Conservatoire botanique national de Mascarin, s’interroge même : «Tout ce qu’on fait ce matin, ça sert à quoi ?» Paradoxalement, c’est la Srepen, la puissante association locale de protection de la nature, qui modère le ton. «Si on reste perché sur not’pié d’bwa [arbre, ndlr], on n’arrivera à rien», se défend sa présidente, Bernadette Ardon.
(1) Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer.
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