Après le passage du cyclone Chido qui a dévasté les écoles de Mayotte, le recteur de la Réunion comptabilise 250 demandes d’inscription pour la rentrée de ce mardi 21 janvier.
Libération du 21 janvier 2025
De notre correspondant à La Réunion, Laurent DECLOITRE
An-Yal était scolarisé en CE1 à l’école primaire de Majicavo Lamir, dans la commune de Koungou, sur la côte ouest de Mayotte. Mais le cyclone Chido, qui a dévasté le département le 14 décembre, n’a pas épargné son établissement. Le toit s’est envolé et, aujourd’hui, une seule classe peut accueillir des élèves. «Ils nous ont dit que les CP et les CM2 étaient prioritaires», indique sa mère, Chahida Moinguie, qui a alors suivi les conseils d’Emmanuel Macron : dès le 20 décembre, le président de la République envisageait de scolariser les élèves mahorais «sur un autre territoire» et promettait de «proposer des solutions, à la Réunion ou ailleurs». La Mahoraise l’a pris au mot et a décidé, pour le second semestre, d’inscrire son fils dans une école de Saint-Denis. La fonctionnaire, employée à la préfecture de Mayotte, a obtenu l’autorisation d’assurer son service en télétravail, pour l’accompagner.
Nombreux sont toutefois les Réunionnais qui redoutent d’être submergés, pas moins, par les élèves mahorais ce mardi 21 janvier, jour de la reprise des cours après les congés de l’été austral. «L’Etat français veut nous imposer le transfert des marmailles de Mayotte, alors que nos classes sont surchargées sous un été étouffant et que nos enseignants sont à bout», s’est offusqué le député LFI Jean-Hugues Ratenon. La Plateforme réunionnaise, le mouvement de la maire PS de Saint-Denis, Ericka Bareigts, a réagi dans le même sens : «Comment accueillir des familles mahoraises, premiers réfugiés climatiques, dans de bonnes conditions alors que notre territoire a 40 000 demandes de logements sociaux en attente ?»
«Solidarité nationale»
Le Snalc, syndicat enseignant classé à droite, va encore plus loin… Guillaume Lefèvre, président académique, confie avoir «donné comme mot d’ordre» à ses collègues du secondaire de «refuser, au nom de leur liberté pédagogique, d’accueillir les nouveaux arrivants s’ils sont trop nombreux». Des propos qui scandalisent Daniel Amouny, le président de la fédération de parents d’élèves FCPE. Il rappelle que «les élèves mahorais sont avant tout des élèves français» et que «la République a l’obligation de les scolariser». Eric Dijoux, secrétaire académique du syndicat enseignant SE-Unsa, est l’un des rares à évoquer avec lui «la solidarité nationale», même s’il précise : «Notre académie ne peut être le point de chute de tous les élèves mahorais.»
Que tout le monde se rassure : le recteur de la Réunion, Rostane Mehdi, a annoncé ce lundi 20 janvier que ses services comptabilisaient à ce jour seulement 250 demandes d’inscription en provenance de Mayotte, qui compte 117 000 élèves. L’académie de la Réunion, qui en scolarise 214 000, devrait être évidemment capable d’absorber ces arrivées, qui représentent au final moins d’un élève supplémentaire par établissement. Si tout le monde joue le jeu… Chahida Moinguie assure que la direction de l’éducation de Saint-Denis a refusé de prendre le dossier de son fils. «Ils exigent une attestation officielle d’hébergement et la preuve que je travaille», s’indigne-t-elle. Elle voit ces obstacles administratifs comme un moyen de la décourager et se désole : «C’est comme si on vivait un deuxième Chido !»
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