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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
A Saint-Denis et Saint-Pierre, entre 4000 et 10000 personnes ont défilé, le 7 février. (Richard Bouhet/AFP)

A Saint-Denis et Saint-Pierre, entre 4000 et 10000 personnes ont défilé, le 7 février. (Richard Bouhet/AFP)

Plusieurs milliers de manifestants ont défilé mardi sur l’île de la Réunion contre le projet de loi du gouvernement. Pour ses opposants, les spécificités locales des territoires ultramarins vont aggraver les conséquences.

Libération du 7 février 2023
De notre correspondant Laurent DECLOITRE

Si l’ampleur de la manifestation ce matin à Saint-Denis et Saint-Pierre divise – entre 3 900 selon la préfecture de la Réunion et 10 000 personnes selon la CGT – tout le monde s’accorde à reconnaître la situation particulière du département d’outre-mer. «Les Réunionnais perçoivent les pensions de retraite les plus faibles des régions françaises», détaille l’Insee, à hauteur de 1 160 euros brut par mois en moyenne en 2016 (année de l’étude), soit 28 % de moins que dans l’Hexagone. De ce fait, les habitants ont tendance à prendre très tard leur retraite, pour tenter d’augmenter un tant soit peu le montant de leur pension : 22 % des Réunionnais partent à l’âge de 65 ans contre 15 % des Français.

«Impact dramatique»

Mais rien n’y fait : les ménages âgés sont «trois à quatre fois plus nombreux à être pauvres qu’en France métropolitaine», assène l’Institut national de la statistique. Dès lors, «la réforme va faire plus de mal en outre-mer, l’impact sera dramatique», prévoit Jacques Bhugon, secrétaire général de la CGT-Réunion. Le leader syndical rappelle qu’«ici, de nombreuses femmes travaillent en temps partiel» et n’ont donc pas de carrière complète. Son collègue de la CFDT, Joël Dalleau, pense, lui, aux «gramouns» (seniors en créole) qui, jeunes, travaillaient «au noir dans les champs» et n’ont donc pas cotisé : «Ils doivent attendre 67 ans pour espérer une maigre retraite à taux plein !»

Dans le cortège, la présidente du conseil régional, Huguette Bello, comprend les manifestants. «Le gouvernement est en train d’effacer les conquêtes sociales une à une», tempête l’élue divers gauche, proche de La France insoumise. L’indemnité temporaire de majoration de pension (une retraite de 35 % plus élevée à La Réunion et Mayotte par rapport à un fonctionnaire de métropole, de 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon, de 75 % en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française) est ainsi en cours de suppression – elle disparaîtra totalement en 2028. En revanche, le système de bonification n’est pas concerné par la réforme : tous les trois ans, les fonctionnaires ultramarins bénéficient d’une annuité supplémentaire. Ils devront partir eux aussi à 64 ans, mais sont certains d’avoir une retraite pleine dès trente-trois ans de cotisation et non pas quarante-trois ans comme le prévoit la réforme du gouvernement.

«Charge mentale»

C’est le cas d’Annie, CPE au lycée Jean-Hinglo, sur la côte ouest de l’île, et d’Aurélie, professeure de créole et de lettres. Les quadragénaires bénéficient en outre d’une surrémunération de 53 %, comme tous les fonctionnaires d’outre-mer (le taux varie selon les territoires) : «Notre situation est bien meilleure que celle de nos collègues de métropole», reconnaissent-elles. Les deux collègues ont pourtant manifesté ce matin : «Notre métier est moins physique que celui d’un maçon, évidemment. Mais les gens ne se rendent pas compte de la charge mentale. 70 % de nos élèves sont d’origine sociale défavorisée. Comment les aider alors que nos missions sont de plus en plus lourdes, sans moyens supplémentaires ?»

 

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