Les gardes du parc national de l’île de l’océan Indien, labellisé patrimoine mondial de l’humanité, ont démantelé mardi une dizaine de camps de braconniers au cours d’une vaste opération héliportée. Au cœur de la forêt primaire, la lutte se poursuit.
Libération du 3 décembre 2022
De notre correspondant Laurent DECLOITRE
Des duvets abrités de l’humidité dans des sacs poubelles, un matelas miteux, une boîte de cassoulet, deux casseroles rouillées… le tout caché dans des replis rocheux ou sous les frondes de fougères arborescentes. Pour dénicher ces ustensiles laissés par des braconniers, les trois agents du parc national de La Réunion ont dû mettre, la semaine dernière, leurs genoux à rude épreuve sur un sentier à peine visible et à la pente vertigineuse, traverser à pied un torrent tumultueux, s’enfoncer dans la forêt primaire de la Réunion. Bienvenue au cœur des gorges de Takamaka, dans l’Est de l’île : des pitons verticaux couverts de végétation luxuriante, des cascades dont l’eau tombe de biais sous l’effet de la brise. Du belvédère, la vue est superbe. Six cents mètres plus bas, la rivière des Marsouins se fraie un chemin à travers des blocs de basalte, alternant «cassés» et bassins plus paisibles. EDF y a construit deux petits barrages et usines hydroélectriques auxquels ses agents accèdent via un funiculaire impressionnant, interdit au public. Seuls les canyoneurs équipés de baudriers et de cordes se risquent à rejoindre le cours d’eau. Les canyoneurs… mais aussi les braconniers, qui se fraient des passages «marrons» (cachés).
«Ils viennent principalement couper des choux de palmistes [cœurs de palmier]», se désole Gildas Le Minter, garde moniteur du parc, qui conduit ses deux collègues jusqu’à un camp de «bracos» repéré la semaine précédente avec l’aide de la fédération départementale de la pêche. En métropole, le cœur de palmier est conditionné en boite de conserve ; à la Réunion, le chou de palmiste se déguste frais, juste après avoir sectionné le tronc de l’arbre recouvert d’épines. Un léger goût de noisette, en salade ou en «cari», c’est un délice, vendu normalement par des sylviculteurs déclarés qui exploitent leur parcelle. Mais un chou coûte des dizaines d’euros, alors qu’en forêt, le palmiste rouge est gratuit pour ceux qui enfreignent la loi. Or, il s’agit d’une espèce protégée, endémique et menacée à l’état sauvage, dont la population «se réduit comme peau de chagrin», rappelle Jean-Philippe Delorme, directeur du Parc national de la Réunion. Lire la suite sur Libé.
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