Les 220 000 élèves de l’île ont repris les cours depuis une semaine, testant en avant-première le protocole sanitaire qui s’appliquera à tous le 2 septembre.
De notre correspondant, Laurent DECLOITRE
Photos Romain PHILIPPON
Libération du 24 août 2021
Lundi 7h, lycée Leconte de Lisle, à Saint-Denis. Temps frisquet, ambiance plus chaude devant le portail de l’établissement, gardé par des policiers. « Vous êtes libres ou pas de vous injecter le poison ! », lance une mère de famille aux élèves, tous masqués, qui entrent en cours. « Pren out vie en main, ou lé kapab », interpelle un autre membre du collectif Parents 974 Mobilisation. (« Tu es capable de prendre ta vie en main », en créole). Nadine, béret noir sur la tête, estime que « les jeunes sont lobotomisés, ils devraient s’informer ». De très rares lycéens s’arrêtent, écoutant, au son d’une sono et d’un tambour, les arguments des manifestants. « Ce n’est pas faux ce qu’ils disent », jugent Korentin, en prépa scientifique et sa sœur Kathleen. Leur père intervient : « Il est hors de question qu’on vaccine mes enfants, bordel ! »
La petite dizaine de membres du collectif s’oppose à l’installation dans le lycée, jeudi, d’un centre éphémère de vaccination, dix jours après la rentrée scolaire qui a lieu à la mi-août à La Réunion. C’est l’une des principales mesures, non obligatoire, du protocole sanitaire « renforcé » voulu par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale. Dans l’académie, trois lycées vont tester le dispositif, sur la base du volontariat et conditionné à l’autorisation parentale pour les moins de 16 ans. Malgré tout, Daniel Amouny, président de la fédération de parents d’élèves FCPE, est en colère : « L’école n’a pas à se transformer en dispensaire, ce n’est pas son rôle ». Il s’offusque davantage encore de la demande faite aux chefs d’établissements d’organiser le transport des élèves jusqu’à un centre de vaccination, si le collège ou le lycée n’en est pas doté. « Lors des sorties scolaires, c’est la croix et la bannière pour avoir un bus, et là, on va prendre sur le temps d’apprentissage ! » De son côté, le Snes, le puissant syndicat des enseignants du second degré, ne s’oppose pas aux « vaccinodromes » au sein des enceintes scolaires. « Si cela permet de rapprocher les familles du vaccin, c’est une bonne chose », estime Corine Peyré, la secrétaire départementale. Seuls 14% des 12-17 ans sont à jour de leur schéma vaccinal contre le Covid à La Réunion. Cela étant, la syndicaliste déplore « le manque d’anticipation et de préparation du rectorat », ayant « l’impression de de servir de chambre d’expérimentation à la métropole ». Plusieurs organisations avaient demandé, en vain, à reporter la rentrée. Pour sa part, la rectrice Chantal Manès-Bonnisseau se félicite au contraire que les 220 000 élèves aient repris le chemin de l’école. « On a su faire preuve de résilience », dit-elle.
Surveillant l’entrée des 1500 élèves de son lycée, le proviseur Thierry Bussy rappelle que c’est l’Agence régionale de santé qui va gérer le centre de vaccination, pas l’Éducation nationale. « Mais cela fait partie de mes responsabilités d’accompagner la politique du rectorat en faveur de la santé des élèves », précise le chef d’établissement. Satisfait, il constate que l’appel au boycott « école vide » lancé par Parents 974 a échoué. Dans toute l’académie, seule une centaine de parents ont informé le rectorat que leur enfant manquerait ce lundi.
Gel hydro-alcoolique, port du masque obligatoire, brassage des élèves évité dans la mesure du possible… Au niveau 2 du protocole sanitaire, tous les cours ont lieu en présentiel, malgré la flambée du variant Delta. Jusqu’au 31 août, le département d’outre-mer a d’ailleurs été placé en confinement partiel et sous couvre-feu à partir de 19h. Le taux de positivité était la semaine dernière de 8,3% et le taux d’incidence de 341 pour 100 000.
Lundi, après sept jours de ce régime, 42 classes, sur environ 5000 que compte La Réunion dans le premier degré, ont déjà été fermées. Les élèves diagnostiqués positifs au Covid sont isolés dix jours, leurs camarades une semaine. Dans le second degré, 68 collégiens et lycéens ont contracté le virus, placés de la même façon en quarantaine. Mais les classes sont restées ouvertes, les autres élèves devant faire un test. S’il s’avère négatif et si les enfants sont vaccinés, ils peuvent revenir en cours. S’ils n’ont pas reçu d’injection, ils sont isolés une semaine et suivent les cours en distantiel. C’est cette « discrimination » que dénonce Chrystel Marti, porte-parole de Parents 974 : « Nos enfants sont évincés de l’école et en plus, on ne respecte pas le secret médical quand les enseignants demandent qui n’est pas vacciné ». « C’est faux, rétorque la rectrice Chantal Manès-Bonnisseau. Seuls les médecins et infirmières scolaires sont habilités à le faire ». Ce sont ces derniers qui distribuent les auto-tests aux enseignants le demandant. Mais aucun pass sanitaire n’est exigé, ni chez les élèves, ni chez les personnels.
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