L’île est reconfinée jusqu’au 16 août, compliquant les vacances des nombreux visiteurs déjà sur place. La situation sanitaire y est inquiétante et moins du tiers de la population dispose d’un schéma vaccinal complet.
De notre correspondant Laurent DECLOITRE
Libération du 1er août 2021
« C’est un peu la douche froide. On est vacciné, on a un test PCR négatif, à quoi ça sert si on n’a pas le droit de bouger ?! » Même si elle estime n’être « pas une grande râleuse », Yolaine, arrivée de Paris deux jours avant l’annonce, jeudi, du reconfinement à La Réunion, est agacée. Samedi soir, confortablement installée dans la chambre d’hôte du Crabe sous la varangue, au pied du volcan dans le « Sud sauvage » de l’île, la touriste va devoir revoir le planning de ses vacances. Avec ses deux enfants et son mari, la responsable commerciale avait prévu une escapade dans le cirque isolé de Mafate, qu’aucune route ne traverse. « Mais c’est ma sœur qui devait nous guider, or elle ne pourra pas le faire », puisqu’elle habite à plus de 10 km du lieu de randonnée, le rayon de déplacement maximal autorisé par la préfecture en semaine (5km le dimanche). Autre destination compromise pour les Parisiens : Cilaos, une vaste cuvette géologique nichée au cœur du département d’outre-mer, à 40 km du littoral. L’hôtel que Yolaine avait réservé a décidé de fermer ses portes, face aux annulations en cascade.
Le confinement et le couvre-feu, de 18h à 5h, annoncés jeudi soir pour une mise en œuvre samedi, jusqu’au 16 août, font suite à une flambée de l’épidémie : le taux d’incidence atteint désormais 350 pour 100000 habitants et le taux de positivité approche les 10%. Or seulement 28,7% de la population dispose d’un schéma vaccinal complet.
Ces mesures de freinage ont pris de court de nombreux touristes venus découvrir l’île intense. Coralie, avocate, et Matthieu, cadre, sont en lune de miel et ont prévu de se rendre à Hell-Bourg, un hameau coloré dans les montagnes de l’Est. Comme leur hôtel ne répond plus au téléphone, le couple espère trouver sur place un gîte ouvert. Quitte à prendre le risque de croiser des gendarmes. « Si on se fait arrêter, on négociera. J’espère qu’ils comprendront qu’on n’a nulle part ailleurs où dormir et qu’on est obligé de rouler sur plus de 10km », plaide Matthieu. Et d’ajouter, un brin énervé : « On imaginait que les restrictions ne concerneraient que les non-vaccinés…»
De fait, les restaurants et bars sont fermés pour tout le monde, mais la vie économique se poursuit, chacun peut se rendre sur son lieu de travail. Quant aux touristes, ils bénéficieraient d’une tolérance pour dépasser le rayon de 10 km, « s’ils montrent leur bon de réservation » en cas de vacances itinérantes, assure Patrick Serveaux, président de l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie Réunion. Contactée, la préfecture n’a pas confirmé ; et aucune information n’est disponible à ce sujet sur le site dédié aux questions que se posent habitants et touristes.
Alors, dans le doute, les réactions sont contrastées. Sébastien, venu de Dijon avec sa famille, se rendra quoi qu’il arrive à la plage. « Si on ne peut pas se déplacer en vacances ! Nous sommes vaccinés, on ne présente aucun risque pour la population. » Pour l’opticien, les mesures ont été prises de façon « trop soudaine ». Face à ces incertitudes, d’autres touristes préfèrent jeter l’éponge. « J’ai des clients qui vont anticiper leur retour en métropole, mécontents de devoir sacrifier leurs vacances un peu coûteuses », se désole Patrice Hudebine, directeur du Lux, un hôtel 5 étoiles ouvert sur le lagon de l’ouest de l’île. Laureen, elle, a même carrément annulé ses vacances. « C’est une énorme déception, confie la jeune femme depuis Bergerac, en Dordogne. Je devais partir avec sept amis, c’était l’occasion de souffler un peu après un an et demi sans véritables vacances ». Mais le groupe devait dormir une grande partie du séjour chez des amis, et sillonner l’île depuis ce logement. Aujourd’hui, il n’aurait pu dépasser un rayon de 10 km… Laureen n’a pas de plan B et s’apprête à retirer sa demande de congés auprès de son employeur. Heureusement, son billet d’avion devrait lui être remboursé, tout comme les réservations déjà payées.
Pour les opérateurs touristiques, en revanche, la facture est lourde. « C’est un coup dur, on ferme, il n’y a plus personne », lâche, désabusé, Luc Morel, le gérant du refuge du Piton des neiges, à 2500 m d’altitude. « Je suis foutu, on nous casse les deux bras », renchérit Benoît Boyer, propriétaire d’un gîte à Grand-Place, au centre du cirque de Mafate. La période de juillet-août est habituellement plutôt calme en termes de fréquentation touristique, en raison de l’hiver austral. « Mais cette année, elle s’annonçait bien, car de nombreuses autres destinations étaient fermées », remarque Patrick Serveaux. Las ; après la Martinique, c’est au tour de La Réunion de se confiner. Tant et si bien que le président des hôteliers du département conseille de décaler de quelques jours ses vacances. Au risque de se « faire lyncher » par ses collègues…
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