LIBERATION du 22 juin 2020, de notre correspondant, Laurent DECLOITRE
Les vols Mayotte-Paris sont à nouveau autorisés sous condition et les mesures restrictives entre la métropole et la Réunion s’allègent. Mais alors que le virus circule encore à Mayotte, les deux départements français de l'océan Indien en veulent davantage.
L’étau se desserre. A compter de cette semaine, la liaison aérienne commerciale entre Mayotte et la Réunion est rétablie. Depuis le début du confinement, les relations entre les deux îles – deux heures de trajet – étaient restreintes à des vols affrétés par l’Etat pour assurer l’approvisionnement des Mahorais et les évacuations sanitaires de malades du Covid vers la Réunion.
Une bonne nouvelle pour Frank Presotto, chef d’entreprise réunionnais, qui relativise cependant : «J’ai peur que ce soit un peu prématuré, explique le patron de Ludicité, qui installe des aires de jeu et des revêtements sportifs. Circuler d’une zone verte, la Réunion, à une zone orange, Mayotte, n’est pas anodin. Je ne veux pas mettre en danger ni mes salariés ni les habitants.» Selon l’ancien officier militaire, «on ne part pas à l’assaut sans gilet pare-balles», aussi n’installera-t-il le directeur de sa nouvelle filiale mahoraise que mi-juillet. Tant pis si ses dix chantiers en cours, soit 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires, prennent un peu de retard.
Les liaisons entre Paris et Mayotte sont elles aussi relancées : deux vols cette semaine, quatre la semaine suivante et cinq en juillet. A ce jour, aucun test de dépistage du virus n’est exigé, ni dans un sens ni dans l’autre, et il n’y a pas de quatorzaine à l’arrivée. En revanche, alors que la mesure a été levée à la Réunion, pour voyager depuis ou vers Mayotte, seuls demeurent acceptés les «motifs impérieux» d’ordre personnel ou professionnel.
C’est que le Covid-19 circule activement à Mayotte, encore en confinement : ce lundi, le département compte 14 nouveaux cas, 11 patients en réanimation, et 31 décès depuis le début de la crise. Dominique Voynet, directrice de l’agence régionale de santé (ARS), relaie pour autant les propos de la ministre des Outre-mer, selon qui le pic de l’épidémie a été atteint. Mais elle a concédé, sur Mayotte 1re, que «cette épidémie rend un peu fou», au vu des chiffres changeant d’un jour à l’autre, et qu’il fallait rester «vigilants».
C’est dans ce contexte que l’Assemblée nationale a voté le 17 juin, en première lecture, un amendement excluant Mayotte et la Guyane de la levée de l’état d’urgence sanitaire le 10 juillet. La mesure d’exception serait prolongée jusqu’au 30 octobre sur l’île au lagon, ce qui a provoqué une levée de boucliers. Le président du conseil départemental, Soibahadine Ramadani, s’interroge : «Comment comprendre que dans la région Grand-Est, durement touchée, on puisse se déplacer sans aucune restriction ni contrainte, et pas à Mayotte ?» L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie réclame «un passage en zone verte comme l’Ile-de-France» et s’agace de la priorité donnée au principe de précaution. Selon le syndicat, «le maintien de l’état d’urgence pourrait décapiter plus de 50% des emplois».
A la Réunion, en zone verte, qui ne compte plus que des cas importés et aucun cas autochtone, la vie quotidienne reprend en revanche ses droits. Depuis ce lundi, comme en métropole, les cinémas rouvrent progressivement et le retour en classe est obligatoire. Les compagnies aériennes ne sont plus soumises à un plafonnement du nombre de passagers et il y aura 14 vols cette semaine reliant Paris. Cela étant, les voyageurs qui souhaitent se rendre sur l’île doivent toujours passer un test 72 heures avant le vol. S’il est positif, ils ne peuvent pas partir. S’il est négatif, ils doivent rester confinés une semaine à l’arrivée, puis être testés à nouveau, pour avoir le droit de sortir, protégés par un masque.
La mesure de confinement doit être levée «au plus tard le 10 juillet», promet le ministère des Outre-mer. Trop tard, selon les professionnels du tourisme, qui ont manifesté une nouvelle fois le 17 juin à Saint-Denis. «La destination Réunion doit être pleinement accessible aux mois de juillet et août. C’est maintenant que tout se joue, alors que les Français font leur réservation», rappelle Stéphane Fouassin, président d’Ile de la Réunion Tourisme. En deux mois, le secteur aurait déjà perdu 100 millions d’euros de chiffre d’affaires.
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