Emmanuel Macron a débarqué à bord d'un intercepteur de la police des frontières. (photo Stéphane Lemouton, Sipa)
Par Laurent DECLOITRE, envoyé spécial à Mayotte et Alain AUFFRAY, Libération du 22 octobre 2019
Le Président a entamé mardi son déplacement dans l’océan Indien. Avec la police aux frontières, il a rappelé la détermination de l’Etat à endiguer la très forte immigration clandestine sur l’archipel. Et a promis «l’égalité réelle» dans le département, avec la construction de 800 classes.
Le débarquement a été soigneusement mis en scène. Après son atterrissage à Petite-Terre, Emmanuel Macron a rejoint Grande-Terre à bord d’un intercepteur de la police aux frontières escorté par une dizaine d’embarcations, dont deux vedettes de la gendarmerie maritime, le tout survolé par un hélicoptère. But de la manœuvre : illustrer, à la tête de cette armada, la détermination de Paris à lutter contre l’immigration clandestine en provenance des Comores voisines. A Mayotte, près de la moitié de la population est composée d’étrangers, dont plus de 50 % sont en situation irrégulière.
Arrivé au débarcadère de Mamoudzou, le chef-lieu, la foule attendue, rameutée à grand renfort de panneaux publicitaires par le maire Mohamed Majani (DVG), n’est pas vraiment au rendez-vous. Quelques femmes, habillées de saris multicolores, employées au centre d’action communale de la ville, jouent du m’biwi, en tapant sur des bambous. Elles sont encadrées par Julien Kerdoncuf, le jeune sous-préfet à la lutte contre l’immigration clandestine, un poste créé sur mesure pour le département. «Les Mahorais ne sont pas venus car ils en ont assez des promesses non tenues», souffle un policier municipal. Plus tard, Macron goûtera toutefois à la «ferveur» mahoraise à l’occasion de plusieurs bains de foule.
Les membres du Collectif des citoyens de Mayotte, eux, ont été empêchés de dérouler leurs banderoles et leur présidente, Estelle Youssouffa, a été conduite au commissariat. Elle attend du chef de l’Etat des «gestes forts», un «vrai plan de lutte contre l’immigration clandestine» plutôt que de «faire du chiffre» avec des reconduites. Créé à l’occasion du mouvement social qui a paralysé l’île au printemps 2018, le collectif avait appelé la population à porter du blanc mardi, «en signe de protestation contre le traitement qui est fait à Mayotte». Mais cette consigne est restée largement ignorée.
A l’occasion de cette journée, Macron entendait démontrer que la République est engagée tant sur le front régalien que pour le rétablissement de «l’égalité réelle» sur le plus pauvre de ses territoires. Il a donc commencé son séjour en saluant les unités engagées dans l’opération Shikandra - du nom d’un poisson qui mord - censée décourager l’immigration clandestine. Au total, 1 500 soldats, marins, gendarmes, policiers, douaniers et agents de l’Etat seraient «mobilisés» pour intercepter les kwassa-kwassa, ces barques où s’entassent les Comoriens qui accostent, de nuit, sur les rives du 101e département français. Alors que sa politique, dans la continuité de celle de ses prédécesseurs, inquiète les associations humanitaires, Macron a assuré, au micro de BFM TV, qu’il ne voulait ni «fermer les yeux sur une immigration clandestine qui pose problème» ni «rien céder à la remise en cause de nos principes fondamentaux».
Le gouvernement a promis d’effectuer 25 000 reconduites par an, contre près de 20 000 en moyenne ces dernières années. «Nous sommes en ligne avec ces objectifs», a assuré Emmanuel Macron dès sa descente d’avion. Plus tard, dans la soirée, il a détaillé «les résultats» de la mobilisation de l’Etat : le nombre de migrants interceptés en mer - 550 en septembre - aurait progressé de 50 %. Et grâce à l’accord signé en juillet à Paris avec le gouvernement des Comores, les départs d’embarcations auraient diminué de 20 % le mois dernier. Pourtant, on estime entre cinq et dix le nombre d’embarcations qui tentent aujourd'hui encore, quotidiennement, la traversée. «On n’a pas encore constaté de diminution des arrivées », reconnaît même un des services de la préfecture de Mayotte.
«La France, c’est la sécurité», s’est exclamé le chef de l’Etat. Et d'ajouter : «La France, c’est la santé. La France, c’est l’école, ce sont des chances données à Mayotte pour réussir». A chaque étape de sa visite, il a détaillé les investissements à venir dans chacun de ces domaines, insistant tout particulièrement sur l’école dans ce territoire où la moitié des habitants ont moins de 18 ans. Il a promis de créer d’ici à la fin du quinquennat «800 classes nouvelles», car «les mamans ont le droit d’avoir ici des enfants qui soient élevés, éduqués et qui puissent bâtir un avenir». De quoi permettre, selon lui, d’en finir avec le système des rotations : à Mayotte il n’est pas rare que deux classes se partagent une salle qu’elles occupent à tour de rôle.
Dans le cadre du «contrat de convergence» signé entre l’Etat et le département, 170 millions d’euros seront par ailleurs engagés dans la santé, notamment dans l’agrandissement de l’unique hôpital : sa maternité est submergée par le nombre de patientes, dont une très grande majorité de sans-papiers.
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