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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Macron au chevet de la nature dans les îles Glorieuses

De notre envoyé spécial aux Glorieuses, Laurent DECLOITRE, Libération du 23 octobre 2019

Le Président s'est rendu ce mercredi dans ce territoire d'Outre-mer. Une «usine à fabriquer de la biodiversité» au cœur de l'océan Indien.

La veille de l’arrivée d’Emmanuel Macron sur l’île Grande Glorieuse, deux raies léopard nagent nonchalamment dans les vaguelettes qui s’échouent sur le sable blanc ; à la nuit tombée, une énorme tortue verte, essoufflée, tente de pondre, à seulement quelques mètres du camp de base. C’est dans ce décor paradisiaque, au milieu des cocotiers cernés par un lagon turquoise que le chef de l’Etat a atterri ce mercredi matin, dans un avion de transport militaire. Il a alors rendu les honneurs aux quatorze légionnaires (dix nationalités…) et au gendarme, qui assurent une présence permanente sur l’îlot corallien.

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C'est dans ce Casa que le président de la République a atterri. (photo LD)

Après la séquence immigration mardi à Mayotte, Emmanuel Macron entend par cette présence symbolique, la première pour un président, marquer son attachement à la préservation de la biodiversité mondiale. Sur l’archipel de 7 km2, à 253 km au Nord-Ouest du département français, vivent  2590 espèces, dont des oiseaux marins aux noms évocateurs, comme les noddis bruns ou les sternes fuligineuses. Afin de renforcer sa protection, le parc naturel marin va être classé réserve naturelle nationale en 2020. Les autres îles éparses « sanctuaires océaniques de la nature primitive », Europa, Tromelin, Juan de Nova et Bassas da India, sont elles protégées par un simple arrêté préfectoral. Mais « l’ensemble a vocation à être aussi classé », a promis Emmanuel Macron, devant un parterre de scientifiques aux anges, membres de la délégation présidentielle.

Evelyne Descorps, la préfète des Terres australes et antarctiques françaises, qui administrent ces îles éparses, rappelle qu’il y a encore beaucoup à faire aux Glorieuses : couper les filaos, des arbres introduits par l’homme au 19ème siècle, et se débarrasser des rats. A Tromelin, située au Nord de La Réunion, les rongeurs ont pu être éradiqués et des oiseaux marins y nidifient à nouveau. « La nature est bonne fille quand on arrête de l’emmerder », sourit Isabelle Autissier. L’ancienne navigatrice, aujourd’hui présidente du WWF France, accompagne le président, tout comme Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara, qui explore et étudie les océans. Il enjoint lui aussi Emmanuel Macron « à ne pas mollir ».

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L'archipel de 7 km2 va être classé en réserve nationale naturelle. (photo LD)

En mai dernier, la France s’est engagée à porter à 30% du territoire national la part des aires marines et terrestres protégées d’ici 2022, dont un tiers en « pleine naturalité ».  Isabelle Autissier reconnaît « l’effort ambitieux », mais tempère : « Attention à ne pas multiplier des parcs marins où les activités humaines prennent finalement le dessus »… A Glorieuse, le croisiériste Ponant est autorisé à débarquer une fois par an ses deux cents passagers, « mais par groupe de huit, encadrés par un guide, et pas plus de trois heures », relativise Cédric Marteau, le directeur Environnement des Taaf.

Autre pression anthropique : les recherches de pétrole et de gaz. Pour être « cohérent », Emmanuel Macron  ne souhaite pas « qu’on ouvre de nouvelles perspectives dans la zone » ; il donne de ce fait une fin de non-recevoir à la société américaine Marex Petroleum, qui postulait pour un renouvellement de son permis d’exploration au large de Juan de Nova. Mais d’autres gisements sont pressentis dans les eaux territoriales du voisin malgache. « Inquiet », le président espère inciter Madagascar « à ne pas entrer dans cette logique ».

Alors qu’Antananarivo revendique la souveraineté des îles éparses (voir Libération de mardi), Emmanuel Macron estime que « la biodiversité est le sujet qui permet de « déconflictualiser » beaucoup de choses ». Selon lui, les îles éparses peuvent faire l’objet d’un « traitement commun dans une perspective de développement durable ». Quoique comptant parmi les pays les plus pauvres de la planète, les pays voisins auraient, argumente le président, tout intérêt à s’inscrire dans l’agenda français. Bruno David, président du Museum d’histoire naturelle, explique que « Glorieuse est une usine à fabriquer de la biodiversité ». Les poissons qui naissent dans ce sanctuaire préservé iront nourrir tous les pêcheurs de l’océan Indien.

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Quatre des îles éparses sont revendiquées par Madagascar. (photo LD)

Le chef de l’Etat, heureux d’avoir aperçu une tortue près d’un récif corallien, admet qu’il n’avait pas « nécessairement cette prise de conscience » lorsqu’il s’est présenté à la présidentielle : « Ces questions se sont métabolisées ces dix-huit derniers mois et l’île des Glorieuses les incarne parfaitement ». Emmanuel Macron tient d’ailleurs à justifier sa présence : « Ce n’est pas parce que je suis une plage que je suis déconnecté des problèmes métropolitains. On n’est pas là pour s’amuser mais pour bâtir l’avenir de la planète ». Deux heures plus tard, après le traditionnel BVB (boudin vin blanc) servi par les légionnaires, le président de la République s’est envolé pour La Réunion, où il entame une visite de trois jours.

Laurent Decloitre, de notre envoyé spécial aux Glorieuses

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