Une opposition déchirée
Le parti communiste réunionnais est resté douze ans à la tête de l’exécutif régional. Un record, pas toujours partagé avec le compagnon politique, le parti socialiste. Aujourd’hui, les deux mouvements se retrouvent dans l’opposition… et manifestent le même désamour.
La mésalliance des uns fait le bonheur des autres. Au conseil général, présidé par une Nassimah Dindar qui clame son appartenance à l’UMP, la brouille inespérée entre les élus de droite a permis aux socialistes et communistes de diriger la collectivité… Une gestion de fait qui arrange tout le monde. A l’approche des cantonales, aucun des deux partis ne tient à remettre en cause ce mariage de raison.
Rien à voir avec l’ambiance plus froide qui règne dans l’hémicycle de la Région. Schizophrénique, la gauche réunionnaise ? La triangulaire du second tour de mars dernier, à la suite de l’impossible union entre le PS et le PCR de l’Alliance, a conduit la droite au pouvoir. Michel Vergoz, président du groupe PS, et Paul Vergès, l’ancien président du conseil régional, continuent depuis à se regarder en chiens de faïence… « Si, comme dans l’ensemble des régions de la République, il y avait eu une union entre les forces de gauche, on aurait conservé une majorité confortable », déplore le leader de l’Alliance.
Mais le dossier du tram-train a écrasé toute velléité d’accord. Le PS ne voulait pas de ce chantier à plus de 1,5 milliards d’euros, au financement incertain. Tant et si bien qu’aujourd’hui, Michel Vergoz admet « du bon » dans le Trans Eco Express de Didier Robert, réseau de 2 000 bus, préféré à la voie ferrée. « Le projet se rapproche du tram-route que nous proposions. Sur cette question, il faut réunir tout le monde et montrer son sens des responsabilités ». Didier Robert n’a pas manqué de s’engouffrer dans la brèche et félicite « l’opposition constructive des socialistes ». A l’inverse, il dénonce le dogmatisme de son prédécesseur. Diviser pour mieux régner ? Si Michel Vergoz souhaite, avec une fausse onctuosité, des « relations fructueuses » avec le PCR, Paul Vergès, intransigeant, préfère « travailler parallèlement ».
Condamnés à s’entendre
Ce dernier n’a toujours pas digéré l’arrêt du projet de tram-train par Didier Robert. « Je n’avais jamais vu un responsable d’une région sous-développée comme la nôtre supprimer un grand chantier d’aménagement en pleine crise économique, tape-t-il du poing. La conséquence immédiate, c’est le chômage et le BTP dans la rue ! »
Les autres décisions sont tout autant critiquées par l’opposition, comme de la poudre aux yeux ou des gadgets. A l’instar des ordinateurs portables gratuits pour les lycéens de seconde. « Didier Robert joue au Père Noël et, en bon homme de droite, les donne sans conditions de ressources à des familles qui en possèdent déjà un, voire deux ! », regrette Jean-Jacques Vlody, conseiller régional PS et opposant historique au Tampon. L’aide aux communes ? « Ses amis politiques émargent largement », flingue le socialiste, tandis que Paul Vergès dénonce carrément une « politique sicilienne »…
Autre annonce, la continuité territoriale, et le financement, à part égale avec l’Etat, de billets d’avion pour la métropole. Paul Vergès se montre catégorique : « C’est un cadeau au gouvernement. Jamais les Antillais ou les Corses n’accepteraient de payer la moitié alors qu’il s’agit d’une sacro-sainte compétence de l’Etat ».
Reste que, dans le contexte actuel, l’opposition n’est guère audible. Certains de ses membres le reconnaissent, estimant que « la population se laisse abuser par tant de démagogie ». Socialistes et communistes sont condamnés à taire leurs différends, à l’approche des élections cantonales puis des sénatoriales, et à patienter jusqu’à la présidentielle de 2012. Ils espèrent que la victoire, « probable », de Martine Aubry les remettra sur les rails pour l’élection des nouveaux conseillers territoriaux. Mais pas avant 2014. Une éternité.
L.D.
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