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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération

Laurent DECLOITRE correspondant à la Réunion 31 janvier 2014 à 17:2 (photo Richard Bouhet)

 

DÉCRYPTAGE

Des heurts ont opposé jeunes et forces de l'ordre dans plusieurs villes. Comme en février dernier et comme en février 2012. Sur l'île, la saison estivale est propice à l'embrasement.

emeutesjanv14-la-reunion.jpgLe 21 février 2012, éclataient à la Réunion des émeutes urbaines qui allaient durer près d’une semaine. Le 17 février 2013, même scénario : barricades dressées, poubelles et voitures brûlées, magasins pillés, affrontements avec les forces de l’ordre… Tout comme en mars 2009. Ce jeudi 30 janvier au soir, l’histoire a semblé bégayer, encore dans les quartiers populaires du Chaudron, à Saint-Denis, le chef-lieu du département, et au Port, une commune industrielle de l’ouest de l’île. Les casseurs, moins d’une centaine au total, ont pillé un PMU, tenté de pénétrer dans deux grandes surfaces, caillassé les policiers… Le conducteur d’une camionnette a été sorti de force de son véhicule qui a été ensuite incendié sur un rond-point. A ce jour, les incidents n’ont pas fait de blessé.

Des troubles liés aux mois les plus chauds

Le point commun de ces bouffées de chaleur : l’été austral. Dans l’océan Indien, les mois de janvier et février, au cœur de la période cyclonique, comptent parmi les plus chauds de l’année. Les températures dépassent certes rarement les 35 degrés et restent donc en deçà des pics de l’été métropolitain, mais le taux d’humidité, compris entre 80% et 85%, vous enveloppe ici d’une moiteur épaisse.

Cette atmosphère, si lourde soit-elle, suffit-elle à expliquer l’ébullition sociale ? Philippe Caroff, responsable de la division cyclone à Météo France, ne veut pas jouer au sociologue. Mais le spécialiste évoque une incontestable «sensation d’inconfort», liée à la chaleur et à l’hygrométrie. Or, la semaine qui vient de s’écouler a enregistré une température de 2 degrés supérieure à la moyenne. Dans un même temps, les alizés, seule source de fraîcheur, ont soufflé plus faiblement qu’en temps normal… «La chaleur peut vous taper sur le système ; la marmite explose plus facilement», suggère le météorologue. Les émeutes font d’ailleurs suite à des manifestations de lycéens, en début de semaine, qui protestaient contre la chaleur trop forte dans les salles de cours.

Un contexte social propice à l’embrasement

Dans un département où un actif sur trois est au chômage, où 65% des moins de 25 ans sont sans emploi, nombreux sont les prétextes pour exprimer son mal-être. Cette fois, c’est l’absence de climatisation et de ventilateurs dans les lycées qui a provoqué l’étincelle. Les élèves en ont assez de transpirer sur leurs copies, au sens propre du terme, dans des salles où le thermomètre atteint 35 degrés. A la Réunion, les vacances de l’été austral durent un mois, en gros du 20 décembre au 20 janvier, afin d’éviter de travailler durant cette période difficile. Insuffisant, aux yeux des lycéens et de plusieurs syndicats de l’Education nationale, qui évoquent l’instauration d’un calendrier «climatique» : la reprise des cours n’aurait lieu qu’en février ou même début mars, après les grosses chaleurs.

Les élus se sont emparés du débat : le président du conseil régional, Didier Robert (UMP), a traité de «brasseur d’air» le député-maire de Saint-Leu, Thierry Robert (Modem), qui lui demandait d’installer en urgence la clim dans les établissements scolaires… Thierry Terret, le recteur, qui s’est dit «particulièrement attentif» aux préoccupations des élèves, doit rencontrer mardi les représentants du conseil de la vie lycéenne. Ce ne sont pas forcément les mêmes qui ont brûlé des pneus et jeté des galets sur les policiers, en marge des premiers cortèges dans le sud de l’île…

Les prix des carburants font monter la colère

La tension est encore montée d’un cran mercredi, lorsque les gérants des stations-service de la Réunion et des Antilles ont annoncé une grève illimitée. Jusque tard dans la soirée, les automobilistes se sont précipités sur les pompes pour faire le plein, provoquant d’interminables bouchons. Depuis jeudi, il est impossible de s’approvisionner en essence ou en gasoil sur l’ensemble du département. Le préfet, Jean-Luc Marx, a déclenché le volet «ressources hydrocarbures» du plan Orsec et réquisitionné 11 des 148 stations pour alimenter les véhicules des forces de l’ordre et de secours.

Pourquoi cette grève ? Victorien Lurel, le ministre de l’Outre-Mer, veut faire la transparence sur la fixation du prix des carburants et réduire les marges des pétroliers. Pas celle des pompistes… Mais voilà : Gérard Lebon, président du syndicat réunionnais des exploitants de stations-service, est persuadé que les pétroliers se rattraperont sur leur dos. Il veut donc faire pression sur le gouvernement… En 2012, le prix des carburants était également à l’origine des émeutes, après le blocage des routes par les camionneurs. Jean-Bernard Caroupaye, président de la fédération nationale des transporteurs routiers avait commis l’erreur (calculée ?) d’appeler «à l’aide» la population pour soutenir son combat. Les casseurs l’avaient entendu dès la nuit venue…

Laurent DECLOITRE correspondant à la Réunion

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