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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
A la Réunion, les émeutes se propagent

Libération du 24 février 2012

De notre correspondant, Laurent decloitre

Violence . Depuis mardi, plusieurs villes de l’île sont la proie de casseurs qui réclament une baisse des prix.

case.chaudron.feu.compScène surréaliste, dans la nuit de mercredi à jeudi : à 1 heure du matin, slalomant entre les badauds, les couples et même les mères qui promènent leur bébé en landau, des jeunes, torse nu, le visage caché par un tee-shirt, des galets (cailloux, en créole) à la main, jouent à cache-cache avec les forces de l’ordre. Aux fenêtres des immeubles du Chaudron, quartier populaire de Saint-Denis, les habitants ne manquent pas une miette du spectacle. Lorsque les lacrymos de la police s’abattent sur la chaussée, une foule de plus de 1 000 personnes court en criant. Mêmes fausses frayeurs quand une bombe assourdissante perce les tympans. Puis, tout le monde revient regarder les 250 émeutiers brûler, fracasser, piller…

Guérilla. Voilà deux nuits - et hier soir s’annonçait tout aussi tendu - que le Chaudron vit dans une atmosphère de guérilla urbaine. Une impression de déjà-vu, puisque le quartier est régulièrement la proie d’émeutes : en 1973 et, surtout, en 1991, quand huit personnes avaient trouvé la mort dans un incendie, puis en 2009. «C’est devenu un lieu symbolique où l’on se rend pour revendiquer, comme la Bastille à Paris», commente la sociologue Eliane Wolff.

Cette fois, les râlés-poussés (échauffourées) ont essaimé, à l’ouest de l’île, dans la commune du Port, où 200 jeunes ont vandalisé des entrepôts de riz et des commerces. Dans l’est, à Saint-Benoît, des dizaines d’émeutiers s’en sont pris à des supermarchés. En deux jours, les forces de l’ordre ont interpellé 64 personnes.

Les transporteurs routiers ont allumé la mèche. Depuis trois semaines, ils réclament une baisse de 25 centimes par litre de carburant (1). Divisés, ils ont alterné barrages filtrants, opérations escargot, blocage éclair de la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP), qui stocke l’ensemble du carburant de l’île. Sans grand résultat, à part la tenue d’un «grand débat» dans les prochaines semaines, et d’une table ronde, aujourd'hui, en préfecture.

Finalement, avant de déserter le bitume, les chauffeurs de poids lourds ont lancé mardi «un appel à l’aide» à la population, dont la frange la plus désespérée entend désormais se faire entendre. Près de la moitié des Réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté ; le chômage frôle les 30% et touche, rappelle Gilbert Annette, le maire (PS) de Saint-Denis, «60% des jeunes». L'élu demande que l’Etat affecte des emplois aidés à la Réunion «plutôt qu’aux régions Ile-de-France ou Rhône-Alpes, qui en ont moins besoin». Il réclame également que «100 produits de première nécessité» soient vendus au même prix qu’en métropole ; le surcoût est estimé à 68% par l’UGC-Que choisir.

Entente illicite. Thierry Robert, maire (Modem) de Saint-Leu, va, de son côté, porter plainte contre les importateurs de carburants, coupables, à ses yeux, d’entente illicite. Le président de région, Didier Robert (UMP), propose lui d’affecter une partie de l’octroi de mer (taxe douanière) perçu par les collectivités à une baisse du prix de l’essence. Mais ces propositions, ainsi que l’appel au calme lancé par le préfet, n’ont pas convaincu les manifestants. Hier, à 22 heures, les troubles s’étendaient à Sainte-Marie, Saint-André et Saint-Louis.

 

(1) Les prix de l’essence et du diesel sont semblables à ceux de la métropole.

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