L'Express du 21 février 2013, Laurent DECLOITRE
Photo Richard Bouhet, AFP
Jean-Yves Langenier en appelle au gouvernement : sa commune est la proie d’émeutes depuis trois jours. Les manifestations de demandeurs d’emploi ont dégénéré en véritable guérilla urbaine. Des barrages ont été dressés sur les routes, une mairie annexe et des voitures incendiées, une station-service saccagée… L’élu réclame une dotation supplémentaire en contrats aidés.
- Comment analysez-vous la situation ?
- Je suis inquiet ; nous n’avons aucun élément qui nous permette de croire à un apaisement. Je ne sais pas jusqu’où vont aller l’exaspération des quartiers et la frustration des Portois. Une étincelle peut à tout moment embraser La Réunion dans son ensemble. Rappelez-vous, notre île est un volcan, il peut péter à tout moment ! Même si la population rejette dans son ensemble ces actes inqualifiables, certains estiment que les manifestants, ceux qui recherchent vraiment un travail, n’ont pas d’autre solution pour bousculer l’ordre établi et se faire entendre. Je ne peux adhérer à ce discours.
- Le gouvernement a diminué la dotation du département en contrats aidés. Vous aviez voté Hollande au second tour, vous êtes déçus ?
- Oui. Il avait promis le changement, il ne va pas dans le bon sens ! J’ai l’impression qu’en haut lieu, on n’entend pas notre cri de détresse. Paris ne se rend pas compte de la gravité de la situation : 30% de chômeurs sur l’île, plus de 60% chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans ! Pourtant, depuis des mois, des années, les signaux l’alerte se multiplient. (Voir l’Express du 22 février 2012.) Il nous faut des moyens exceptionnels. Je sais bien que les contrats aidés sont un pis-aller, que le système montre ses limites, mais nous devons maintenir la paix sociale en attendant des emplois plus pérennes. L’an dernier, au premier semestre, la commune disposait de 428 CAE-CIU, aujourd’hui, notre dotation ne s’élève qu’à 167 contrats aidés ! Et sur l’ensemble du département, on passe de 12800 à 9000 contrats.
- Mais La Réunion s’est vu attribuer 5000 emplois d’avenir, ce qui compense cette diminution…
- L’État ne les finance qu’à hauteur de 75%, ils coûtent donc plus cher aux collectivités. Parallèlement, le gouvernement impose le changement des rythmes scolaires, avec une demi-journée d’école supplémentaire, ce qui va augmenter nos dépenses, et il diminue notre dotation globale de fonctionnement. Dans ces conditions, comment va-t-on faire ? Sans compter qu’au bout de trois ans, la situation sera très compliquée avec les jeunes en fin de contrat. Alors oui, nous allons recruter des emplois d’avenir, mais en nombre réduit, car nous manquons de moyens. Et cela ne résoudra pas le chômage !
Entretien : Laurent DECLOITRE
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