Pas de contrat d’avenir pour Ahmed
L'Express n°3201 du 7 au 13 novembre 2012
« J’ai suivi le chemin de la méritocratie et me suis spécialisé dans un domaine où La Réunion devait être un laboratoire mondial. Mais au retour, on n’en a rien à foutre de moi. » Les quelques milliers de contrats d’avenir que le gouvernement devrait accorder à La Réunion, où 60% des 15-24 ans sont au chômage, ne vont pas changer la vie d'Ahmed*. Le Saint-Paulois, qui cherche lui aussi, désespérément, du travail, ne rentre pas dans les critères d’insertion en faveur des plus démunis. Bien au contraire : il est surdiplômé.
Après un bac scientifique, le jeune homme, issu d’une famille monoparentale modeste, suit un double cursus à Paris : une école d’ingénieurs et un master recherche en « énergie et environnement ». Après deux stages de six mois, au Canada, puis à Marseille, il rentre au pays, la fleur au fusil. Mais au Pôle Emploi, le conseiller ne lui aurait proposé que la paternité, « pour toucher les aides sociales » ou… la mobilité. Alors le guitariste amateur a accepté un poste d’assistant-éducateur et donne des cours particuliers : « Je suis payé, je peux me remplir le ventre mais je me lève tous les matins frustré. » Avec le Collectif Compétences Locales, Ahmed a manifesté devant une agence de pub pour qu’elle recrute à La Réunion. « Les Zoreys occupent les places stratégiques; depuis les années 60, on est toujours dans la même mentalité coloniale », assure l’ingénieur aux dreadlocks sagement coiffés.
S’il n’a pas trouvé de travail à la fin de l’année, le Réunionnais se dit prêt à une nouvelle « déchirure » : « J’ai besoin de faire travailler mon cerveau, je repartirai ». En métropole.
L.D.
*Le prénom a été changé
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