Au secours, le chik revient !
Pas de chance ! Comme si les 30 000 cas de grippe A ne suffisaient pas (voir par ailleurs), La Réunion replonge dans les affres du chikungunya. Pour la première fois depuis la fin de l’épidémie qui avait causé la mort de 254 personnes et fait 266 000 malades en 2005-2006, trois cas de chik « autochtone », un « avéré » et deux « probables », ont été signalés la semaine dernière sur la côte ouest de l’île, dans un quartier de Saint-Gilles-les-Bains. Aucun des patients, victimes d’une forte fièvre, de douleurs articulaires et d’éruptions cutanées, n’avait voyagé les jours précédents dans la région. Ni à Madagascar, ni en Inde ni en Thaïlande, où la maladie du « dos courbé», transmise par le moustique Aedes Albopictus, sévit toujours.
Le centre national de référence des arboviroses de l’institut Pasteur, à Paris, où les prélèvements ont été envoyés, doit confirmer dans les prochains jours cette réémergence surprise et inquiétante du virus « pays ». En attendant, le service de lutte anti-vectorielle (LAV) de la Drass de La Réunion a pris « toutes les mesures nécessaires », insiste Gaëlle Fohr, responsable adjointe. A pied ou perchés sur des 4x4, de jour et de nuit, les agents, en combinaison blanche, protégés par des masques, ont pulvérisé de la déltaméthrine dans le quartier concerné. Un produit « très toxique » qui tue les moustiques adultes. Les larves de l’Aedes ont été détruites directement dans les jardins à l’aide d’un produit biologique, le BTI.
Une réaction rapide, à la mesure des enjeux sanitaires. C’est l’hiver austral à La Réunion, la saison fraiche et sèche, normalement « peu propice » à la prolifération du moustique. Si le mal n’est pas étouffé dans l’œuf, l’épidémie risque de repartir avec l’arrivée de l’été, chaud et humide. Or d’une part, 62% de la population est encore « naïve » : les habitants non contaminés il y a trois ans n’ont pas développé d’immunité. D’autre part, contrairement à ce que déclarait Xavier Bertrand en 2006, alors ministre de la Santé, aucun médicament n’est encore disponible. Quant au vaccin, la France a abandonné les recherches ! Une souche vaccinale américaine, sur laquelle se fondaient tous les espoirs, ne présentait pas des garanties suffisantes d’innocuité.
Eric Latchoumaya, sapeur-pompier, l’un des premiers à avoir contracté la maladie en mai 2005, est encore traumatisé. « Je n’ai jamais récupéré la forme », se plaint le quadragénaire qui craint aujourd’hui pour son fils et son épouse. « Les autorités se sont dit que c’était terminé et ont relâché leur vigilance », dénonce-t-il. Un sentiment partagé par beaucoup. Christine Gaudy tient un magasin de mode dans le quartier de Saint-Gilles où le chik vient de frapper. « Dans la ravine* d’à côté, c’est rempli de rats et de moustiques. J’ai appelé la Drass plusieurs fois pour qu’ils nettoient l’eau croupie, en vain ! », jure la commerçante.
Pourtant, suite à l’épidémie de 2005-2006, un service de prophylaxie renforcé a été créé, associant les collectivités à la Drass. Depuis, les 450 km de 297 ravines situées en zone urbaine sont « régulièrement » traités. L’an dernier, 115 000 maisons auraient été contrôlées. Les autorités, qui avaient sous-estimé il y a trois ans l’ampleur de la catastrophe sanitaire, ne veulent plus être prises en défaut. De fait, il est peu probable que le département soit de nouveau confronté à une telle pandémie. Pour autant, le moustique tigré va encore fragiliser la destination Réunion. Le nombre de touristes n’a toujours pas rattrapé le niveau de 2004 (432 000 visiteurs à l’époque contre 396 000 l’an dernier). Pierre Vergès, président de l’IRT (Ile de La Réunion Tourisme) espère que le slogan de la nouvelle campagne, qui débute demain sur l’ensemble de la France, va rassurer les métropolitains : « Chez nous, vous êtes chez vous ». Il est vrai que des cas de chik avaient été signalés en 2006 dans la région de Nice et de Menton. Comme à La Réunion…
* lit de rivière
30 000 cas de grippe A
Selon la préfecture de La Réunion, au 9 août dernier, 7800 Réunionnais avaient contracté le virus H1N1 de la grippe A depuis le début de la pandémie, en juin. Des chiffres dépassés et très éloignés de la réalité. La Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte (Cire) estime que « 30 000 personnes ayant présenté une grippe clinique depuis le 5 juillet auraient eu un résultat positif en A(H1N1)2009 si elles avaient été prélevées ». L’estimation remonte au 21 août ; aujourd’hui, vu les courbes de progression, on approche sans doute les 40 000 cas. « Contrairement à la grippe saisonnière, soupire Laurent Filleul, le coordonnateur scientifique de la Cire, on ne constate pas de décroissance en cette fin du mois d’août et d’hiver austral. On est même en pleine dynamique ». A tel point que des pharmacies se sont retrouvées la semaine dernière en rupture de Tamiflu ; la Drass a dû leur livrer d’urgence 2500 boites prélevées sur le stock Etat. Trois patients ont été hospitalisés au service de réanimation du CHR de Saint-Denis : un jeune de 17 ans a pu regagner son domicile, une femme et un homme de 45 ans sont toujours dans un état sérieux mais « stabilisé ».
Selon le rectorat, 1,3% des élèves - un peu moins de 3000 enfants - sont absents pour cause de grippe (la rentrée a eu lieu mardi dernier). Des écoles avaient annoncé leur intention de fermer leurs portes aujourd’hui. Pour le directeur de cabinet du préfet, cela se justifie « si l’épidémie n’est pas en plein développement ». « Nous, assure-t-il, on a passé ce stade, on ne voit pas la pertinence de fermer une classe ». En clair, pas question d’appliquer à la lettre les recommandations du ministre de l’Education : sinon, c’est déjà toute l’académie de La Réunion qui serait paralysée ! L’île voisine de Maurice, qui a enregistré 5 décès, a elle décidé de fermer ses écoles pendant dix jours.
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