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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération

En septembre 2006, le ministre de l'outre-mer de l'époque déclarait à Libé que le retour du chik était "inévitable" avec la venue des chaleurs de l'été austral. Les autorités se trompaient une fois de plus !  En 2005, elles n'avaient pas prévu l'arrivée de l'épidémie et avaient ensuite minimisé les dégâts du virus ; en 2006, elles criaient cette fois au loup, histoire d'ouvrir le parapluie. Mais le chikungunya disparaissait aussi vite qu'il était apparu : deux mois après les déclarations alarmistes de Baroin, la Drass n'enregistrait plus aucun nouveau cas !

Et voilà qu'aujourd'hui, en plein hiver austral, période sèche et fraîche à La Réunion, le virus fait son retour. Encore à la surprise générale. Trois personnes ont contracté la maladie ces derniers jours, à Saint-Gilles, dans l'ouest de l'île. Les analyses ne laissent aucun doute. L'épidémie va-t-elle de nouveau paralyser le département, encore meurtri par cette pandémie ? Alors que toutes les attentions se portaient jusque-là sur le virus de la grippe A, autrement moins dangereux, la Drass a semble-t-il pris la mesure du risque et désinsectisé le quartier où le moustique a frappé.

Ci-dessous l'article paru dans Libération du 6 septembre 2006.

«Le retour du chikungunya est inévitable»

La Réunion correspondance
6/9/2006

Le convoi ministériel arrive à l'école du Douzième kilomètre, au Tampon, une commune des «hauts» de l'île relativement épargnée par le chikungunya. Les élèves de CM1 et CM2 montrent fièrement à François Baroin une BD en français et en créole sur la façon de se protéger de l'Aedes albopictus (le moustique à l'origine de l'épidémie qui a touché 266 000 personnes et fait 246 morts). Mais Marie-Josette Rivière, mère de famille de 63 ans, en veut toujours à l'Etat. « Après avoir été piquée, je suis restée paralysée des mois. J'avais les mains gonflées comme des pattes de tortue et je souffrais ». Pour Marie-Josette, ces souffrances auraient pu être évitées « si la Drass de l'époque avait fait son travail au moment où il était encore temps ». Alors que le service de prophylaxie des affaires sanitaires et sociales comptait 238 agents en 1979, année où le paludisme fut officiellement éradiqué de la Réunion, ils n'étaient plus qu'une poignée en mars 2005, veille de la crise sanitaire actuelle, à pulvériser insecticides et larvicides dans les zones à risque.

Hiver austral. Avec l'arrivée de l'hiver austral, en juin, les chaleurs et les pluies ont diminué, les insectes se sont faits plus rares, les malades aussi. La cellule interrégionale d'épidémiologie a comptabilisé, la semaine dernière, «entre 10 et 30 personnes infectées», contre plus de 40 000 par semaine en février. Une évolution prévisible qui a incité les pouvoirs publics à alléger le dispositif de lutte antivectorielle. La préfecture annonce désormais 1 300 agents «engagés sur le terrain», contre plus de 3 000 au moment du pic épidémique.

Pourtant, du hall de l'aéroport Roland-Garros, François Baroin a clairement reconnu que le «retour à la maladie était inévitable». Les spécialistes pensent, en effet, qu'il aurait fallu «trois semaines d'affilée avec zéro nouveau cas» pour que l'épidémie soit rayée de la carte insulaire. Le Dr Antoine Flahault, de la cellule nationale de coordination des recherches sur le chikungunya, prévoit que 10 % de la population réunionnaise sera touchée tous les ans pendant plusieurs années.

Gîtes larvaires. Le traitement intensif, aux effets parfois nocifs, des écoles, des rivières, des décharges, des cimetières et de 200 000 maisons individuelles n'aura donc pas suffi. Ni les campagnes de sensibilisation incitant les Réunionnais à nettoyer régulièrement leur jardin, à jeter l'eau des fleurs ou à enlever les dessous de pots, autant de «gîtes larvaires» potentiels.

La déclaration du ministre de l'Outre-Mer inquiète surtout les professionnels du tourisme, menacés de perdre 40 % de leurs 6 500 emplois directs si le nombre de visiteurs continue de chuter. Or, sur les 60 millions d'euros d'aides exceptionnelles promis par le Premier ministre en mai, seuls 10 ont été consommés à ce jour. «Les 50 millions restants ne doivent pas être rapatriés. Ils doivent profiter à l'industrie touristique», demande Eric Magamootoo, président de la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion, qui souhaite une révision des critères d'attribution.

Espoirs. De son côté, Josette Brosse, présidente de l'association l'Ile de la Réunion contre le chik, n'attend rien de la visite de François Baroin. «Tant qu'on n'aura pas de médicaments ou de vaccin, il y aura des cohortes de personnes handicapées», assène-t-elle. Mais les essais cliniques en cours patinent. Pour tester les effets curatifs prometteurs de la chloroquine (composant de la Nivaquine, médicament utilisé d'habitude contre le paludisme), les cobayes doivent être en période de virémie (infection virale généralisée). Or ils ne sont pas assez nombreux aujourd'hui... Quant au vaccin, les espoirs reposent sur les travaux de chercheurs américains. Des essais pourraient débuter sur l'île en décembre-janvier, en plein milieu de l'été austral.

Laurent DECLOITRE

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