Plus de 100.000 foyers sont toujours privés d'électricité et d'eau courante.
Par Laurent Decloitre
25 février 2007
"L'eau est montée et le pont est tombé comme des dominos». Les trois gamins n'en reviennent pas. Tôt dimanche matin, les marmailles bravent la pluie et le vent pour «admirer» les flots en crue. Ils assistent en direct à l'effondrement des 520 mètres du pont aval de la rivière Saint-Etienne, où transitent tous les jours plus de 50.000 véhicules. C’est la seule voie de communication entre les communes de Saint-Louis et de Saint-Pierre, la capitale du Sud de La Réunion. La partie amont du pont présente également des points de faiblesse, que les agents de la DDE ne pourront vérifier avant la débâcle.
Le «radier» Ouaki, petite route qui traverse le lit de la rivière ? Emporté lui aussi. Conséquence: des milliers d'habitants bloqués, une île coupée en deux pour plusieurs jours, voire des semaines. Il faudra faire le tour de l'île, soit plus de trois heures de route, pour relier les deux communes voisines. «Un cadeau empoisonné que nous lègue le cyclone Gamède», peste le préfet Pierre-Henry Maccioni. Face à cette situation de crise, le maire de Saint-Louis réclame «un approvisionnement du Sud par voie aérienne ou cabotage maritime».
L'ensemble de l'île restait hier paralysé. Les routes non submergées par l'eau sont encombrées de branches, de galets, de coulées de boue et même de câbles électriques, «avec des étincelles», selon une habitante de Sainte-Clotilde… Le cyclone tropical intense Gamède a entraîné des rafales de 205 km/h dans la nuit de samedi à dimanche sur les hauteurs de Saint-Denis, le chef-lieu de ce département d'outre-mer. Il est tombé plus d'un mètre d'eau sur le volcan de La Fournaise en 24h. Les dégâts sont importants: plus de 100 000 foyers privés d'électricité et d'eau courante, 40 000 foyers sans téléphone fixe, les réseaux Orange et SFR détériorés… 243 personnes ont été hébergées dans les centres communaux de secours. Une plate-forme offshore tout juste amarrée dans la baie de Saint-Denis, en vue d'études pour une future marina, n'a pas résisté et s'est fracassée sur les tétrapodes de la «route du littoral», un axe routier vital pour l'économie réunionnaise fermé à la circulation.
L'alerte rouge avait été déclenchée samedi soir, le cyclone passant au plus près de l'île à 200 km des côtes dimanche matin à 6h. Plus personne n'avait le droit de sortir. Une règle de prudence qu'un «irresponsable», selon les propos du préfet, n'a pas respectée. Cet habitant de Saint-Philippe, dans le «Sud Sauvage» de l'île, a été gravement blessé dans un accident de la route. Dimanche, on comptait huit autres blessés légers.
Dès samedi matin, l'alerte orange avait conduit à fermer toutes les écoles. Les Réunionnais se sont alors précipités dans les supermarchés pour acheter de l'eau, des bougies, des piles, mais aussi du sucre et du riz. D'autres sont sortis en famille pour contempler les vagues en furie de l'océan. «C'est un spectacle exceptionnel, mes filles sont contentes», rigolait Arthur, ruisselant sous les gerbes des vagues qui se brisaient sur la digue d'un port de plaisance de l'Est. Un comportement qui a conduit les autorités à décider «une interdiction exceptionnelle de circulation piétonne en bord de mer».
Dimanche soir, le préfet a annoncé qu'il lèverait l'alerte rouge lundi matin à 6h. Si la circulation est de nouveau autorisée, tous les établissements scolaires resteront fermés. Un semblant de retour à la normale, qui reste toutefois suspendu à la menace de Gamède. A 19h, après s'être éloigné, le cyclone faisait quasiment du surplace à quelque 320 km au Nord-Ouest de l'île. Et Météo France n'excluait pas un changement de trajectoire et un retour sur La Réunion. Un scénario catastrophe, «possible», rappelant le sinistre Hyacinthe, un cyclone qui avait frappé trois fois de suite La Réunion en 1980…
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