Le président de Madagascar, Andry Rajoelina, au château de Villers-Cotterêts (Aisne), le 4 octobre 2024. (Amaury Cornu /Hans Lucas / AFP)
Le président malgache Andry Rajoelina aurait été exfiltré par un avion militaire français, dimanche 12 octobre, assure RFI. Selon Wilfrid Bertile, ancien secrétaire général de la Commission de l’océan Indien, rien d’étonnant à cette intervention française.
Libération du 14 octobre 2025
Laurent DECLOITRE
Les émeutes contre les coupures d’eau et d’électricité et contre la corruption généralisée qui gangrène Madagascar ont eu raison du pouvoir en place. Alors que la présidence malgache annonçait sur sa page Facebook une intervention d’Andry Rajoelina à 20h30 locales ce lundi (19h30 en France), le ministre de la Sécurité publique, Aina Randriambelo Mandimbin’ny, a reconnu face à l’agence de presse Reuters que son président était «introuvable».
De son côté, RFI assure qu’Andry Rajoelina a été exfiltré dimanche par un avion militaire français. Il s’agirait d’un Casa, un avion de transport tactique et logistique des Forces armées de la zone sud de l’océan Indien, basées à un peu près de 1 000 km de Madagascar, à la Réunion.
L’intervention française est «logique»
Le président se serait rendu à bord d’un hélicoptère malgache sur la petite île de Sainte-Marie, une des premières destinations touristiques du pays, au nord-est de Madagascar. Là, un avion français l’aurait embarqué avec ses proches à destination de la Réunion. Face aux rumeurs circulant dans le pays, l’ambassade de France a cru bon de préciser qu’«aucune intervention militaire française n’est en cours ni prévue à Madagascar».
Le président déchu, élu en 2019, après avoir pris une première fois le pouvoir en 2009, à la suite d’un coup d’Etat, aurait immédiatement quitté le département français, cette fois à bord d’un jet privé, en provenance de l’île Maurice. Destination possible : Dubaï. Pour le spécialiste Wilfrid Bertile, l’intervention française est «logique» : la France aurait exfiltré Andry Rajoelina parce que ce dernier, rappelle l’historien, est… de nationalité française. «Il l’a demandée et obtenue en 2014, en faisant valoir sa filiation française via son grand-père.»
Or, la constitution malgache stipule que «toute personne qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd la nationalité malgache» et ne peut donc se présenter aux élections présidentielles… Rajoelina a pourtant été réélu en 2023 et son élection a été reconnue par la communauté internationale.
Si le président malgache a fait appel à la France pour se sauver, c’est, selon Wilfrid Bertile, parce qu’il n’y a «pas beaucoup de pays dans la zone qui auraient pu le faire. La Tanzanie, l’Afrique du Sud… Mais le président a beaucoup plus d’affinités avec la France.» Emmanuel Macron, qui aurait personnellement donné son accord à l’opération, le connaît bien ; il a encore rencontré le président aujourd’hui en fuite, en avril à Madagascar, lors d’une tournée de l’océan Indien.
La «malgachisation»
Le conflit diplomatique sur la souveraineté des îles éparses, ces atolls français perdus entre Madagascar et l’Afrique et revendiqués par Antananarivo ? Il ne serait que de façade. «Mada, en réalité, ne se fait aucune illusion sur ses chances de récupérer ces îles», assure Wilfrid Bertile. Preuve de la bonne entente entre les deux pays, la France vient de restituer, en août, trois crânes conservés jusqu’à présent au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, des restes humains d’une grande valeur historique pour les Malgaches.
Les relations franco-malgaches datent, rappelle l’ancien secrétaire général de la Commission de l’océan Indien, du XVIIe siècle, lorsque la France annexa le pays en 1642, puis fit de la Grande Île une colonie, en 1896. C’est d’ailleurs du comptoir de Fort Dauphin que partirent les premiers habitants de l’île de la Réunion. Cette conquête de l’île rouge se traduisit par des dizaines de milliers de morts, notamment en 1947 lors d’un soulèvement populaire.
La proclamation de l’indépendance en 1960 fit place, estime l’élu réunionnais, à «une forme de néocolonialisme», avec un président francophile, Philibert Tisranana. Mais en 1972, un militaire fomenta, déjà, un coup d’Etat : Didier Ratsiraka prit le pouvoir en se rapprochant de l’URSS. Il procéda à la «malgachisation» du pays, faisant fuir les élites.
Lorsque le dictateur dut, à son tour, quitter le pays, c’est… la France qui l’accueillit durant neuf ans. La langue de Voltaire souffrit de sa politique : si elle est aujourd’hui encore largement parlée parmi les classes sociales les moins déshéritées, elle a perdu depuis beaucoup de son importance.
Néanmoins, la France, précise Wilfrid Bertile, reste le premier donateur, avec 140 millions d’euros d’aides annuelles, du pays «subventionné à bout de bras par tous les pays du monde et les organisations internationales». La France est d’ailleurs le troisième fournisseur du pays, devancée par la Chine, de plus en plus présente, et le deuxième client des exportations malgaches. La communauté française compte sur place encore plus de 24 000 ressortissants, dont de nombreux binationaux.

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