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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Les urgences de l'unique hôpital de Mayotte tournent depuis avril «avec seulement deux médecins, voire un seul par journée". (Madi Chafion/AFP)

Les urgences de l'unique hôpital de Mayotte tournent depuis avril «avec seulement deux médecins, voire un seul par journée". (Madi Chafion/AFP)

Les urgences du centre hospitalier de Mamoudzou ne comptent plus assez de médecins pour prendre en charge les patients. Un sous-effectif aux conséquences dramatiques.

Libération du 24 mai 2024
De notre correspondant à La Réunion
, Laurent DECLOITRE

«Quand l’urgentiste prend son service du lundi matin et que les patients n’ont pas été vus du week-end, eh bien, à force, il se casse. Il ne veut pas se compromettre avec ce chaos absolu.» Ce médecin officiant à l’unique l’hôpital de Mayotte a souhaité rester anonyme, mais il tient à donner l’alerte. Lui et plusieurs de ses confrères travaillant dans les différents services de l’établissement sont formels : «la quasi-totalité des titulaires» des urgences «sont partis» ces derniers mois ; quant aux remplaçants, «ils ne veulent plus venir». Et ce n’est pas simplement dû, assurent-ils, à l’épidémie de choléra. De fait, les urgences tournent depuis avril «avec seulement deux médecins, voire un seul par journée», assure un praticien, pour gérer quelque 50 000 passages par an – soit, mathématiquement, 137 par jour. Le directeur de cabinet de l’hôpital, Mohamed Zoubert, avance, lui, les chiffres de «quatre ou cinq titulaires au lieu d’une vingtaine nécessaires», confirmant de facto le sous-effectif.

Les praticiens dénoncent des conséquences dramatiques de cette situation. «Des patients qu’on aurait dû orienter vers la chirurgie peuvent voir leur état se dégrader faute de prise en charge rapide et se retrouver en soins critiques», indique l’un d’entre eux. Un autre assure même que «des décès auraient pu être évités». Un service comptabilise par exemple «cinq arrêts cardiaques en un mois chez des patients récemment hospitalisés, ce qui est très supérieur à la moyenne». Au final, les blouses blanches estiment que «face à l’incapacité des urgences à gérer les flux, des patients passent en dessous des radars».

«De la mortalité est forcément associée à ce bazar»

De leur côté, les généralistes travaillant dans les centres de soins périphériques, les dispensaires, ressentent la pression : «Il y a clairement une volonté de limiter au maximum les transferts des malades aux urgences. On nous demande de temporiser.» Lorsqu’ils sollicitent un transfert, le régulateur leur demanderait de garder le patient un peu plus longtemps. «On dépasse les six heures habituelles, au-delà de nos compétences techniques et médicales», se désole un généraliste. Et de citer ce cas : «Un patient devait bénéficier d’un transfert, qui a beaucoup tardé. Il est ensuite reparti chez lui, mais est revenu en dispensaire car son état avait empiré. Un nouveau transfert a été demandé, mais n’a pas eu lieu à temps. L’homme est décédé.» Une fillette morte du choléra le 8 mai aurait également été victime de cette situation. Selon un médecin, «un transfert aurait été demandé la veille au Samu mais aurait été décalé au lendemain» ; le décès est intervenu dans la nuit, dans le dispensaire où la malade avait été amenée par ses proches. Faute d’urgentistes disponibles, cette régulation téléphonique du 15 est effectuée quatre jours par semaine depuis le CHU de la Réunion ou, «à titre expérimental», par une sage-femme, reconnaît la direction du CHM…
Autre conséquence du sous-effectif des urgences : le Smur peinerait à remplir sa mission 24 heures sur 24. «Quand on ne peut pas envoyer d’urgentiste, on demande aux pompiers de masser le patient, s’il s’agit d’un arrêt cardiaque, et de nous le ramener», déplore un praticien. Le 1er mai, un grave accident de la route a fait un mort et sept blessés à Combani, au centre de l’île. Le CHM n’a pas pu détacher d’urgentiste et a demandé à un généraliste du dispensaire de Kahani de se déplacer. Certes, une partie des médecins de ces centres médicaux ont reçu une – courte – formation aux premiers soins, mais ils se retrouvent «en difficulté». «Le patient n’est pas pris en charge par un spécialiste, se désole un praticien. Et c’est violent pour le collègue, qui se sent impuissant.» Au final, «la perte de chance» pour le malade est probable, «de la mortalité est forcément associée à ce bazar».
Au sein du CHM, les services s’adaptent : les urgences ne gèrent plus les évacuations sanitaires à destination de la Réunion, reprises par le service de réanimation, qui s’en trouve désorganisé. L’hospitalisation de courte durée, qui permettait de décongestionner les urgences, a été fermée, officiellement pour mettre les lits à disposition des malades du choléra.
Comment se retrouve-t-on dans cette situation de crise ?
(Lire la suite sur Libération.)

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