praticien aurait établi «au moins une centaine de faux pass sanitaires», selon la procureure. (Raphael Bloch/SIPA)
Le praticien, qui aurait agi par conviction, est placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer sa profession. Les personnes ayant utilisé ces contrefaçons pourraient également être poursuivies.
De notre correspondant Laurent DECLOITRE
Libération du 15 octobre 2021
Il risque sept ans de prison pour escroquerie à la Caisse d’assurance maladie et réalisation de faux documents administratifs, dans le cadre d’une mission de service public. Un médecin de la Réunion est mis en examen, soupçonné d’avoir établi «au moins une centaine de faux pass sanitaires», a révélé ce vendredi Caroline Calbo, procureure de la République au tribunal judiciaire de Saint-Pierre.
D’ores et déjà, 120 patients ont été auditionnés dans les dernières quarante-huit heures. «On a mobilisé tous les gendarmes de l’île», a souligné la procureure. Les auditions se poursuivent à l’heure actuelle, les services de la Caisse d’assurance maladie et de l’Agence régionale de la santé (ARS) ayant permis de connaître les coordonnées des patients ayant bénéficié des largesses du médecin. Le parquet n’exclut pas de les poursuivre, pour «usage de faux», d’autant plus qu’une partie de ces patients sont soumis à l’obligation vaccinale. «On trouve des professionnels de santé, des pompiers, des professeurs, des serveurs et des personnes simplement opposées au vaccin», a énuméré Caroline Calbo.
D’après les premiers éléments de l’enquête, le médecin aurait apparemment agi par conviction, confie une source proche du dossier. «Je ne peux cautionner, mais je comprends mon confrère», a réagi auprès de Libération Philippe de Chazournes, médecin généraliste à la pointe des manifestations anti-pass dans l’île. «Quand on a dans son cabinet des professionnels de santé en larmes, suicidaires, parce qu’ils ne peuvent plus travailler, parce qu’ils ne sont plus payés, on peut être tenté de les aider…» a plaidé l’activiste, convoqué le 9 décembre devant la chambre disciplinaire du conseil départemental de l’ordre des médecins, où il risque la radiation pour ses prises de position.
Depuis ce vendredi, les professionnels de santé ont en effet l’obligation de présenter un schéma vaccinal complet. Partout en France, sauf… à la Réunion : l’Union régionale des médecins libéraux a obtenu des autorités sanitaires «un accompagnement jusqu’au 15 novembre». Un délai exceptionnel qui conforte Christine Kowalczyk, présidente de l’organisation, dans la condamnation de son confrère soupçonné de faux : «Un médecin ne peut être au-dessus de la loi. Notre collègue, si les faits sont avérés, entache la probité de toute la population médicale de la Réunion», a-t-elle déclaré à Libé.
A la suite de l’enquête de l’Office central de lutte contre les atteintes à la santé publique, le praticien a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, après avoir versé une caution de plusieurs milliers d’euros. Il est également provisoirement interdit d’exercer sa profession. Un juge d’instruction a été saisi, qui permettra de déterminer plus précisément le volume des infractions.
A ce jour, 55,2 % de la population du département d’outre-mer – où le couvre-feu a été levé le 18 septembre – dispose d’un schéma vaccinal complet, contre 73 % au niveau national. Si «95 % des personnels sont entrés dans un processus de vaccination», comptabilise l’ARS, ce n’est pas encore le cas de nombreux kinés et infirmiers, notamment.
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