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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Les superviseurs de la cellule de contact tracing de l'ARS de La Réunion (LD)

Les superviseurs de la cellule de contact tracing de l'ARS de La Réunion (LD)

L’Agence régionale de santé a depuis le début de l’épidémie activé une cellule de contact-tracing à partir de fichiers nominatifs. Une mesure qui a permis de casser la chaine de transmission. Et qui relativise la polémique métropolitaine.

De notre correspondant Laurent Decloitre, Libération du 13 mai 2020

Facile, sur ce coup. Jamel Daoudi, épidémiologiste à Santé Publique France, n’a eu aucun mal à retracer les personnes ayant été en contact avec les deux nouveaux cas de Covid diagnostiqués hier mercredi à La Réunion. L’administration, qui reçoit les résultats, nominatifs, des tests de dépistage, se charge d’appeler les malades. L’un était un « cas importé, qui arrivait d’Inde ». L’homme a été confiné à son arrivée sur l’île dans un hôtel réquisitionné. « Il n’a donc pu contaminer personne », se félicite l’épidémiologiste. Pour l’autre cas, une dame dépistée avant une opération chirurgicale, Santé Publique a cherché à savoir si elle avait fait des courses, rencontré de la famille, pique-niqué… Finalement, la dame n’est entrée en contact ces dernières 48h qu’avec  deux personnes : son fils et son conjoint. « Elle m’a donné leur nom et leurs coordonnées sans aucun souci ; depuis le début de l’épidémie, je n’ai jamais essuyé de refus », assure Jamel Daoudi.

Les fichiers de ces contacts sont remis à la cellule de tracing de l’agence régionale de santé (ARS) de La Réunion. « On les appelle par téléphone. S’ils sont malades, on les oriente vers le 15. S’ils vont bien, on leur demande de respecter une quatorzaine », détaille Olivier Reilhes, directeur adjoint de la veille et de la sécurité sanitaires de l’ARS. Les contacts doivent également prendre leur température deux fois par jour et appeler un numéro vert pour donner des nouvelles. Depuis le 11 mars, début de l’épidémie à La Réunion, les personnels administratifs et techniques de l’ARS ont ainsi téléphoné au domicile de plus de 3500 personnes. Et rentré les données récoltées sur le fichier Go Data sans que cela n’émeuve quiconque.

Célia, dépistée positive le 29 mars à son arrivée à l’aéroport, n’a eu aucun état d’âme à livrer le nom et les coordonnées d’un proche. « Ma nièce avait voyagé avec moi, elle était donc à risque. Or elle est allée chez son père en arrivant, je l’ai dit à l’ARS », raconte l’étudiante infirmière, aujourd’hui remise. Il a alors été demandé au papa de s’isoler. « Vie privée ou pas, il faut donner les noms, revendique la jeune femme de 19 ans. Les gens sont bien contents d’être prévenus. Et les pouvoirs publics ne vont pas faire n’importe quoi derrière, c’est pour casser la chaine de transmission ».

Hier, La Réunion ne comptait que 439 cas, dont 70% importés. Le département d’outre-mer n’est toujours qu’au stade 2, et a donc pu continuer jour après jour à retracer les contacts des personnes malades. En métropole, en stade 3, ce n’était plus possible, vu l’ampleur de l’épidémie. Suite au déconfinement, néanmoins, la loi d’urgence sanitaire a prévu la création de brigades départementales partout en France. Le nouveau dispositif accroit le rôle du médecin traitant, qui pourra interroger le patient malade afin de rentrer les noms des proches sur le fichier Contact Covid, inspiré de l’application Amélie de l’Assurance Maladie. « Mais nous nous limiterons à la cellule familiale, on ne va pas chercher les copains des copains », précise Christine Kowalczyk, présidente de l’Union régionale des médecins libéraux. Pour la praticienne, qui ne voit pas là d’atteinte au secret médical, « c’est une bonne chose de nous remettre en première ligne ». La consultation sera majorée de 30 euros pour payer au médecin ce surcroit de travail....

Pour les autres personnes ayant été en contact avec les malades, collègues de travail, amis ou inconnus, ce ne sera plus à l’ARS de les rechercher, mais aux agents de l’Assurance Maladie. Qu’est-ce que cela change ? Ni les premiers, ni les seconds ne sont médecins. Hier à La Réunion, les cadres de l’Assurance maladie enchainaient les visioconférences, « jusqu’à 22h30 » avec les professionnels de santé, pour bien caler ce passage de relais. Personne n’oublie que le Conseil constitutionnel a estimé que le traitement et le partage, sans le consentement des intéressés, de données relatives à leur santé portaient « atteinte au droit au respect de la vie privée ». Sans prendre position, Olivier Reilhes, de l’ARS, rappelle toutefois  que « depuis toujours, pour la rougeole ou les méningites, on a les fichiers des contacts, qu’on appelle systématiquement »… A La Réunion comme partout en France.

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