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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus sur mon blog

Le préfet devrait autoriser l'accès

Lundi 18 octobre 2010
Eh bien voilà une bonne nouvelle : Michel Lalande, le préfet de la Réunion, envisage enfin d'ouvrir l'accès à l'Enclos Fouqué où se déroule, depuis jeudi, une éruption du Piton de la Fournaise. Si une équipe de reconnaissance confirme, aujourd’hui, la possibilité de laisser s'approcher les curieux sans danger, l'ONF tracera "un itinéraire qui permettrait de voir, de manière plus confortable, l'éruption". Il faudra cependant que les pouvoirs publics se décident vite car l'éruption en cours, à trois heures de marche, n'est pas d'une grande vigueur... Les fontaines de lave, d'une dizaine de mètres de hauteur, n'ont rien à voir avec les geysers impressionnants de l'éruption de 1998.
Mais l'éruption vaut néanmoins le détour. Toujours aussi magique d'assister au réveil de la terre. Le grondement qui sourd des cratères en formation, semblable à celui des vagues qui s'écrasent contre une falaise ; les lambeaux de chair crachés dans les airs qui retombent sur les flancs des cônes et deviennent noirs en quelques secondes ; la coulée de lave qui creuse un lit entre les grattons encore fumants et brûlants, charriant des blocs rouges et incandescents... Grandiose, comme toujours.
Pourtant, les curieux n'ont pour l’instant pas droit au spectacle en 3D. Confinés au Piton de Bert, à 1h30 de marche du Pas de Bellecombe, à plusieurs milliers de mètres. Certes, la vue plongeante sur les coulées est magnifique...mais il faut presque des jumelles. Il est toujours impossible d'emprunter les escaliers qui descendent dans la caldeira où rugit le feu ; le portail est aujourd’hui encore cadenassé.
Or « l'éruption est stabilisée », assure Thomas Staudacher, de l’Observatoire volcanologique de la Réunion ; surtout, un sentier ouvert par l'ONF en 2007, balisé de points blancs peints sur les dalles de basalte, mène droit à l'éruption. Plus précisément au vieux et majestueux cratère du Château-Fort, au pied duquel jaillit aujourd'hui la lave à plus de 1000 degrés. Le sentier part à droite d’un petit cratère arasé, le Formica Léo, en bas des escaliers. De là, l'ONF indique l'aller-retour en 5h30. Une marche sans difficulté majeure, à condition toutefois d'être équipé de chaussures de montagne qui protègent les chevilles. Sinon, les grattons coupants vous écorcheront à coup sûr. Une coulée de lave a bien coupé le sentier, mais sur une centaine de mètres seulement. Bien entendu, nous sommes en haute montagne, à plus de 2000m d'altitude : il faut avoir une bonne condition physique, être équipé de vêtements chauds et contre la pluie, et avoir emporté eau et vivres.
Philippe, membre du Centre de documentation et de diffusion sur le volcanisme, qui a passé la nuit sur place, bénéficiant d’une accréditation, applaudit à l’ouverture. "Un petit balisage supplémentaire suffit ; physiquement, ça passe très bien", estime le passionné. Une demi-douzaine de touristes de métropole n’ont pas attendu l’arrêté préfectoral autorisant l’accès. Ils ont escaladé le portail, dans la nuit de vendredi, pour observer au plus près l'éruption. "On s'est renseigné, on risque une amende de quelques dizaines d'euros seulement. Le jeu en vaut la chandelle", sourit Renaud, le Parisien. "On est des bons marcheurs, on fait attention. Ce n'est pas dangereux et le spectacle est génial", renchérissent ses deux compères, Nicolas de Perpignan et Benjamin, de l'Oise. Nous croisons encore Nicolas, venu de Lyon, qui se plaint, essoufflé, d'être "obligé de jouer au délinquant". "Seuls les riches peuvent venir admirer l'éruption", regrette-t-il en pointant du doigt le ballet incessant des hélicoptères qui survolent, à altitude prudente, le chaudron en feu.
Sur le parking de la Plaine des Sables, qui domine la caldeira, où s'agglomèrent des centaines de véhicules, les curieux sont partagés entre le fatalisme et la colère. Robert, un militaire réunionnais à la retraite, estime que le point de vue du Piton de Bert "ne vaut pas le coup". "Mais je respecte la loi, je ne descendrai pas dans l'Enclos pour autant", prévient-il. Pas grave, son camarade, un ami venu de Strasbourg, n'est pas déçu : "De nuit, on voit bien les coulées. Ma femme m'a demandé à trois reprises de la pincer, elle croyait rêver"... Henri, de Saint-Benoît, dans l'est de l'île, tatouage peace and love sur l'avant-bras, déplore, lui, l'attitude des pouvoirs publics : " Dans le temps lontan, on avait le droit de s'approcher très près des coulées. Je ne vois pas ce qui justifie ces précautions aujourd'hui". La réponse remonte à 2003 : un jeune homme est mort, lors d'une éruption, alors qu'il marchait sur un tunnel de lave qui s'est effondré. Son père a porté plainte. Depuis, les pouvoirs publics ont ouvert le parapluie pour éviter les retombées de lave. Comme le résume Edwige, du village des Avirons : "Maintenant, ils ne se cassent plus la tête, ils ferment !" Le préfet de la Réunion s’apprête à lui donner tort… Depuis tôt ce matin, des équipes de l’ONF repeignent les repères au sol qui manquaient et délimitent une plate-forme d’observation à quelques dizaines de mètres de l’éruption.

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