A La Réunion, de notre correspondant Laurent DECLOITRE
Mardi 14 avril 2009
Un autodidacte qui collectionne les Porsche, affrète le Concorde pour faire jouer le PSG à La Réunion, invite Zidane pour inaugurer un de ses hôtels, construit le plus grand -et le plus coloré- centre d'affaires du département... est sur le point d'acheter le Journal de l'île de La Réunion (Jir) au groupe Hersant. Abdoul Cadjee, 61 ans, rêvait de s'offrir le titre. « Je suis réunionnais, j'aime ce journal et j'aime les défis », lâche ce musulman habitué des cocktails mondains. Même si « rien n'est encore signé », le promoteur immobilier a présenté son projet au comité d'entreprise du journal et obtenu le feu vert de la rédaction. « Il a promis de respecter notre indépendance, de ne pas faire de plan social et de conserver la même ligne éditoriale », se rassure un des 60 journalistes que compte le quotidien.
Pourquoi Philippe Hersant, le président du Groupe Hersant médias, se sépare-t-il de l'un de ses 27 titres de presse quotidienne régionale ? Créé en 1951, le Jir a longtemps dominé, à droite, le paysage médiatique de La Réunion. Mais en 1976, le lancement du Quoditien, un journal indépendant, met fin à la rente de situation. « La Réunion est le seul département d'outre-mer où nous n'avons pas le leadership », reconnaît Thierry Massé, le directeur délégué du Journal de l'île. Depuis, avec un tirage de 30 000 exemplaires et une estimation de 20 000 ventes quotidiennes (le journal ne communique pas ses chiffres), le Jir, vendu 1€, n'est plus une si bonne affaire. « Les recettes publicitaires et des ventes sont en baisse par rapport à l'an dernier, même si le premier trimestre est encourageant », assume la direction. Par ailleurs, le journal et son site gratuit clicanoo doivent faire face à l'explosion des sites d'information sur l'île : rien à craindre de lequotidien, payant, ni, pour l'instant, des sites participatifs, comme noutreunion ou exprimanoo ; mais zinfos974, qui s'est lancé avec une véritable rédaction multimédias et linfo, émanation de la chaîne de télé privée Antenne Réunion, grignotent des parts de marché publicitaire.
Or le groupe Hersant a « besoin de liquidités », souligne Thierry Massé, après le rachat -160 millions d'euros- à Lagardère, en 2007, de La Provence, Nice Matin, Var Matin, Corse Matin et Marseille Plus. La vente du Jir pourrait rapporter à Hersant 22 millions d'euros, chiffre qu'Abdoul Cadjee ne dément ni ne confirme.
L'accord, qui devrait être confirmé dans les prochains jours, intervient dans un contexte brouillé. Jacques Tillier, l'ex-pdg du Jir, avait marqué de son empreinte le journal. Cet ancien journaliste de l'hebdomadaire d'extrême droite Minute signait chaque samedi des éditos aux accents populistes redoutés par tous les décideurs de l'île, accumulant les procès en diffamation. Parti prendre la tête de l'Union de Reims, autre titre du groupe Hersant, il avait cédé sa place à son concurrent de toujours : l'ancien rédacteur en chef du Quotidien, tiré de sa retraite pour l'occasion ! La mayonnaise n'a pas pris, ce dernier a démissionné après une petite année. « C'est le bordel, vivement que je revienne ! », a posté Tillier sur un site local d'information...
A lire sur Libé.fr | |
En préparant cet article, je suis tombé sur un document étonnant : Jacques Tillier, alors journaliste à Minute, interviewé sur son lit d'hôpital après avoir été blessé par balles par Mesrine. Voir. |
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