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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Des manifestants favorables à la suppression du droit du sol devant la préfecture de Mayotte. (David Lemor/ABACA)

Des manifestants favorables à la suppression du droit du sol devant la préfecture de Mayotte. (David Lemor/ABACA)

Nés de parents comoriens, immigrés clandestins, ils sont devenus français grâce au droit du sol, principe républicain que le ministre de l’Intérieur entend supprimer à Mayotte. Depuis la Réunion où ils se sont intégrés, ces citoyens se disent bouleversés.

Libération du 14 février 2024
De notre correspondant, Laurent DECLOITRE

Il conduit d’énormes pelles et autres engins de chantier dans une entreprise de voirie de Saint-Denis, à la Réunion. Mzé Mbaba Zaidou est titulaire d’un passeport français depuis sa naissance à Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, en 1992. Pourtant, ses deux parents, comoriens, étaient entrés sur le département français de manière illégale, à bord d’un kwassa. Ces petites barques motorisées franchissent au mépris des risques de chavirage les quelque 70 km séparant l’archipel des Comores, un des pays les plus pauvres au monde, et Mayotte, 101e département français. A cette époque, il suffisait de naître à Mayotte pour acquérir la nationalité tricolore. Mbaba a donc pu s’installer à la Réunion en 2013, pour fuir «l’ambiance casse-gueule» de Mayotte. «Pas pour moi la violence», assure aujourd’hui celui qui s’adonne durant ses temps libres au graph, pour le compte de barbiers, de festivals, de fêtes locales… Bien intégré dans la société réunionnaise, le trentenaire se dit choqué par le souhait de Darmanin et Macron de réviser la Constitution afin de supprimer le droit du sol à Mayotte. «C’est ignoble ! Il n’y aurait pas la même loi partout en France», dénonce-t-il, pensant à sa mère, restée sur place et suspendue au renouvellement, chaque année, d’un titre de séjour. «Elle n’a jamais pu venir me voir, se désole-t-il. La préfecture refuse de lui délivrer un visa.» Quant à son père, il est l’un des innombrables boat people à s’être noyé alors qu’il tentait de regagner Mayotte en 1997, après avoir rendu visite à sa famille aux Comores.

Des études supérieures à la Réunion

La même année, Mohamed Assoumani a, lui, débarqué sain et sauf sur l’île au lagon. Le maçon polyvalent s’est ensuite installé, en 2014, à la Réunion, après s’être marié à une Mahoraise, mère de huit de ses onze enfants. Aujourd’hui, il s’interroge. Darmanin a indiqué que les enfants nés à Mayotte devront l’être de «parent français» pour obtenir la nationalité. Or si son épouse est française, lui est étranger. «Est-ce que ce sera suffisant demain ?» Il l’espère pour ses compatriotes, qui continuent à fuir leur pays. «Les Comores, ce n’est plus la démocratie. Et à Mayotte, les enfants sont pris dans des batailles, il n’y a qu’à la Réunion que c’est tranquille.»

Les migrants mahorais ont pourtant, rappelle l’Insee, «les taux d’emploi les plus faibles», notamment parce qu’ils sont peu diplômés et très jeunes. Cela étant, de plus en plus nombreux sont ceux qui, fuyant les violences et l’incurie des services publics, viennent suivre à la Réunion des études supérieures. C’est le cas de Charifa Zidini, 21 ans, en troisième année de licence Infocom, qui a pu devenir française grâce au droit du sol, alors que ses parents sont originaires d’Anjouan, une des trois îles des Comores. Ne pouvant quitter Mayotte, faute de visa, ces derniers vivent aujourd’hui encore dans un bidonville, sans eau courante, dans le village de Passamainty, au sud du chef-lieu, Mamoudzou. Ils parlent le shikomori, même si «maman comprend le français quand on ne parle pas trop vite». Charifa, qui a passé toute son enfance et adolescence dans ce milieu misérable, mesure sa chance et s’inquiète pour ses proches : «Que vont devenir mes nièces, nées en 2009 et 2010, si on leur refuse la nationalité ?» Elle qui rêve de devenir journaliste craint que... (Lire la suite sur Libération)

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