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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus sur mon blog
Dans un des canyons du Makay, Madagascar mai 2023.

Dans un des canyons du Makay, Madagascar mai 2023.

Le Makay... J'en rêvais après avoir découvert les images d'expéditions scientifiques dans ces canyons et gorges du sud-ouest malgache, à 650 km de Tana, la capitale. Avec Phil et Dany, nous avons fait appel aux services d'un guide indépendant, voulant éviter les tours opérators plus onéreux et nécessitant la constitution de groupes importants. Sur FB, nous avons trouvé Léonard et son fils Léonardo, qui nous ont proposé le tarif de 3,3 millions d'ariary (moins de 800 euros)  par personne, du 15 au 27 mai. Pour ce prix, étaient prévus le 4x4 depuis Tana, la nuit d'hôtel sur la RN7, à l'aller et au retour, plus, bien sûr, l'accompagnement lors du trek : tente individuelle et tapis de sol fournis, repas, porteurs, cuisinier, pisteur et guide. Nous devons emmener des pastilles pour traiter l'eau que nous puiserons dans les rivières. C'est parti !

Lundi 15 : Air Austral nous transporte de La Réunion à Tana, où nous dormons au Sakamanga, un véritable musée des cultures malgaches, accessoirement élevage de moustiques :-) Nous n'avons pas pris de traitement antipaludéens, vite du spray.

Mardi 16 : départ à 6h du matin, objectif annoncé Ranohira, la dernière ville avant la piste. Nous devons arriver à 20h selon nos guides.

Le bonnet de l'évêque. Madagascar RN7 isalo
Le bonnet de l'évêque. (LD)

Sur la route, nous découvrons la vie malgache au gré des haltes et des innombrables contrôles de gendarmes ou policiers, qui exigent du chauffeur un bakchich. Après 12h de route sur une RN7 goudronnée mais défoncée, nous stoppons en fait à Fianarantsoa, de nuit.

Mercredi 17 : départ à 7h pour 6h encore de route jusqu'à Ranohira. Nous aurons fait 19h de route depuis Tana. Bien trop long et pénible : il faut absolument atterrir à Tuléar et remonter la RN7, le trajet est deux fois moins long que de partir de Tana et descendre la RN7. Retenez bien : pour le Makay sud, le plus sauvage, atterrir à Tuléar, pas à Tana ! Depuis la capitale, on peut autrement se contenter du Makay nord.

Ilkaka mine saphirs
Le mineurs sont très jeunes et ne trouvent plus grand chose. (LD)

Après le déjeuner, Léonard nous informe que nous ne pouvons prendre la piste en direction du massif, il est trop tard. Nous allons alors à la rencontre des mineurs de saphirs à Ilakaka : lorsque le gisement a été découvert en 1998, ce fut une véritable ruée, un village a vu le jour. Des fortunes sont nées, des mineurs sont morts. Aujourd'hui, la mise est presque épuisée.

massif fenetre isalo madagascar
La fenêtre de l'Isalo. (LD)

En fin d'après-midi, nous admirons le coucher du soleil à la fenêtre de l'Isalo, superbe massif montagneux couleur d'or.

Jeudi 18 : Nous prenons la piste, vraiment en mauvais état. Après une crevaison, et 8h de trajet fatiguant, nous arrivons au village de Beroroha. Nous prenons une pirogue pour traverser la rivière Mangouki, et nous rafraichissons dans l'eau marron peu profonde.

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La rivière est large mais peu profonde. (LD)

Le programme prévoyait qu'on dresserait le premier bivouac au village de Volmabita. Mais il fait déjà nuit ; nous stoppons après 1h30 de marche dans des cours d'eau, près de la rivière Makay. Première couleuvre.

Vendredi 19 : Léonard nous montre une montagne loin dans la brume bleutée. Le Makay selon lui. Nous sourions, croyant à une blague. "C'est au moins à 50 km !". Le guide de répondre : "Oui, 50 km"...

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Danse du "pilou" pour exorciser les possédés. (LD)

Nous traversons le pays Bahra, assistons à une cérémonie d'exorcisme : des femmes joliment coiffées dansent jusqu'à la transe pour que les esprits quittent le corps des "pilou", les possédés. Elles sont payées, de village en village, et attachent les billets dans leurs cheveux.

Nous traversons des rizières, des plateaux arides, des lits asséchés. Après 10h de marche et 40 km, nous nous arrêtons à un superbe site, près de la rivière, entourés par les massifs montagneux.

Makay. canyon expedition trek Madagascar
Matins et soirs sont frais. (LD)

Feu de bois, pates au ketchup. Le riz et les pâtes constitueront notre régime, parfois agrémenté d'une cuisse de poulet ou de canard dure comme du bois, et, au début, de fruits. Il est difficile de cuisinier, il faut tout porter et l'approvisionnement dans les villages perdus est aléatoire. Au matin, après avoir goûté des sauterelles frites, nous croisons des chasseurs armés de sagaies.

Samedi 20 : nous allons enfin entrer dans le Makay. Nous parvenons d'abord au lac Sariaka, où une famille, qui a parcouru des km comme nous, est venue pêcher quelques petits poissons. Le lac est fadi (tabou), nous ne pouvons nous y baigner. Et il y a des crocodiles...

canyon gorge massif Makay madagascar
Dans les canyons, nous marchons soit dans l'eau, soit sur du sable. (LD)

Nous longeons les premiers remparts de grès ocre et pénétrons dans les canyons, encore assez larges, où coulent des filets d'eau. Le paysage est magnifique. Il fait très chaud. Nous pique-niquons près de la rivière et en profitons pour nous laver en creusant des trous dans le lit, faute de profondeur suffisante.

Puis nous poursuivons dans le canyon, superbe, plus étroit, jusqu'à ce que l'eau disparaisse dans les sables. Nous devons nous arrêter. Bivouac magique au fond de la gorge.

Bivouac dans le canyon du Makay. (LD)

Dimanche 21 : nous poursuivons notre progression, entrant dans un minuscule canyon adjacent et humide, pour le plaisir. Nous sortons du canyon principal en escaladant une paroi friable, gagnons les sommets d'où la vue sur le lit du canyon suivant est superbe.

Nous croisons une tombe Sakalava, monticule de pierres. Le canyon suivant se rétrécit pour ne faire plus qu'un mètre de large, surplombé par des parois immenses et obliques, qui semblent nous écraser. Fabuleux.

Dans tous les canyons, nous découvrons des traces de fossa, félin craintif et agressif, et de sanglier et faisons envoler des dizaines de pintades sauvages.

Nous arrivons au bivouac, près d'un autre lac. La fatigue commence à se faire sentir, après ces journées de 8h de marche au minimum.

Lundi 22 : je prends le raccourci avec les porteurs, pour ne marcher que 3h, Phil et Dany passent par la montagne pour avoir un point de vue et découvrir un autre canyon très étroit aussi et majestueux, soit 3h de plus.

Bivouac près d'un village bahra, nous retrouvons la civilisation. Les habitants viennent nous voir, nous allons rendre visite aux élèves de la classe unique de l'école.

Mardi 23 : Dany est un peu malade (tourista). Léonard nous annonce 7h de marche et des lémuriens blancs en fin de journée. Nous alternons les lits asséchés et la progression en forêts, dans un méli-mélo de lianes dans un lit où coule un peu d'eau. Dans la montagne, nous découvrons la grotte de Mahitini. Au 13ème siècle, les Sakalava auraient peint ces dessins géométriques et ces silhouettes de zébus. Passionnant.

Nous marchons 9h30 pour arriver à notre lieur de bivouac, survolés par des roussettes, chauve-souris géantes, en n'ayant aperçu qu'un seul lémurien, marron. Il est trop tard pour partir en forêt voir les blancs. Et le lendemain, on a encore une trop longue étape pour avoir le temps. Erreur de calcul de Léonard ou fausse promesse, toujours est-il que les étapes sont trop longues, alors que nous sommes trois bons marcheurs.

Mercredi 24 : nous prenons une charrette zébu pour éviter 7h de marche dans une savane brûlée par le soleil. Mais ça saute tellement qu'on marche en fait à côté... Bon, expérience amusante malgré tout. On croise pas mal de caméléons durant la randonnée.

Nous arrivons au village de Tanambao, en fin d'après-midi, d'où partent des pirogues qui descendent la rivière Mangoki. Le marché est animé, les habitants chaleureux. Nous avons droit à un bout de mouton bien gras et dur, hum, ça change :-) Pour "gagner du temps" sur la journée du lendemain, nous prenons la pirogue (deux pirogues en fait reliées l'une à l'autre avec des planches au milieu) durant 1h30.

Dernier bivouac, . Gros feu de bois, il fait toujours aussi frais la nuit.

Jeudi 25 : 8h de pirogue, qui descend lentement faute de courant ; le piroguier pousse avec un long bâton. Nous croisons trois crocodiles.

Nous arrivons à 15h à Beroroha, où nous avons droit à une délicieuse bière bien tiède et du riz avec une boite de sardine. Le régal. Nous retrouvons notre 4x4, il est prévu d'arriver à 23h à Ranohira. Mais au bout d'une heure de piste, nous nous embourbons. Il nous faudra 4h30 pour sortir du trou !

On reprend la piste, on roule toute la nuit, sans pouvoir dormir tant ça saute pour arriver à 6h du matin à la ville...

Vendredi 26 : On reprend la RN7 ; départ à 9h, après 2h de sommeil. Léonard nous promet une soirée sympa à Antsirabe, où on pourra aller dans un bon restau, se balader... Las, nous y arrivons à 23h, après une route interminable. Aprs la nuit blanche, on est KO. Nous n'avons pas le temps de dîner, pour le deuxième soir de suite.

Samedi 27 : l'aéroport de Tana n'est qu'à 180 km, notre vol à 18h40, nous faisons l'erreur de croire une nouvelle fois nos guides souriants et trop optimistes, qui nous promettent une arrivée à 14h en partant à 9h. 180 km en 5h, ça semble effectivement jouable. Mais c'est Madagascar. À une demi heure de la fin de l'embarquement, notre 4x4 n'avance pas d'un pouce dans les bouchons de la banlieue de la capitale. Nous décidons de laisser le chauffeur et son 4x4 pour arrêter des motards et leur demander de nous prendre avec le sac à dos sur leur porte bagage. On trouve quatre motos ou scooters et nous voilà zigzaguant entre les véhicules. Finalement, on arrive à 5 mn de la fin de l'enregistrement, on peut prendre notre avion pour La Réunion. Merci à Léonard de nous avoir accompagnés jusqu'au bout !

Les moins : Les erreurs de calcul de Léonard sur les durées et les longueurs. Trop de route pour arriver au Makay. Les repas un peu sommaires. Des étapes de trek assez éprouvantes, attention aux randonneurs non avertis.

Les plus : la bonne humeur de Léonard et de toute l'équipe, aux petits soins pour nous. La tente, la nourriture, les sacs à dos portés, toute l'installation du bivouac les soirs. La découverte de la vie des villageois qui vivent presque en autarcie. Des paysages grandioses, sauvages, déserts. Douze jours sans connexion.

Une sacré expérience !

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