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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Dans un autre laboratoire, celui du Cirad à Saint-Pierre, le 5 février. (R.Philippon/Inland).

Dans un autre laboratoire, celui du Cirad à Saint-Pierre, le 5 février. (R.Philippon/Inland).

Un patient a été diagnostiqué porteur du variant omicron à la Réunion ce mardi. Les services de santé sont mobilisés, les vols avec l’Afrique du Sud suspendus, en attendant d’autres mesures dès mercredi.

Libération du 30 novembre 2021
De notre correspondant, Laurent DECLOITRE

Dimanche, 16 heures (13 heure à Paris). L’Agence régionale de santé de la Réunion lance l’alerte : le criblage effectué par un laboratoire privé de l’île a relevé des «incohérences» dans les échantillons de plusieurs patients réunionnais venus se faire tester contre le Covid-19. Parmi ces cas, six reviennent d’Afrique australe, à deux heures de vol, zone où le variant omicron a été détecté pour la première fois dans le monde. Il faut procéder à un séquençage d’urgence. Mais en ce deuxième jour du week-end, le centre hospitalier universitaire n’est pas directement opérationnel.

Dimanche, 18 heures. Le séquençage est confié au laboratoire Pimit, spécialisé dans la recherche des processus infectieux en milieu tropical insulaire (d’où il tire son acronyme), qui associe plusieurs organismes de recherche : université, Inserm, IRD, CNRS. «Il fallait alors récupérer au plus vite les échantillons», raconte le docteur Patrick Mavingui, le responsable du laboratoire. Or les prélèvements sont encore dans un labo du Port, sur la côte ouest de l’île, et la falaise bordant la route pour s’y rendre menace de s’écrouler en raison de fortes pluies. Deux des quatre voies sont fermées par précaution et la circulation très ralentie. «J’ai dû y aller avec ma propre voiture et une glacière sécurisée, soupire le microbiologiste. 2h30 de route aller-retour…»

Dimanche 21 heures. De retour, Patrick Mavingui s’engouffre dans le laboratoire sécurisé de niveau P3, installé sur le site du Cyroi, une plateforme pluridisciplinaire en santé et biotechnologies à Saint-Denis. Avant le séquençage, les échantillons doivent être préparés, «une recette assez lourde».

Lundi, 4 heures du matin. Son collègue, David Wilkinson, a pris le relais. Au petit matin, le bio-informaticien lance enfin le séquençage dans la salle blanche du labo. Il faut près de 24 heures pour obtenir des résultats «de bonne qualité».

«D’autres cas vont se déclarer à La Réunion»

Mardi, 1 heure du matin. Le doute n’est plus permis. Un des voyageurs, un homme de 53 ans, est porteur du variant omicron. Patrick Mavingui envoie un mail sécurisé à l’ARS, à Santé publique France et au ministère de la Santé. En même temps, il diffuse l’information sur la base internationale Gisaid. «Tous les chercheurs du monde entier peuvent ainsi vérifier le sérieux de notre résultat», souligne-t-il.

Le patient concerné a débarqué de l’île voisine Maurice le 20 novembre, mais arrive en fait du Mozambique, pour raisons professionnelles. Surtout, il a fait escale en Afrique du Sud, berceau originel d’omicron. Au départ de la Réunion et à son arrivée, le voyageur a effectué à chaque fois un test de détection du Covid, obligatoire, qui s’est avéré négatif. Les premiers symptômes, toux, douleurs musculaires, fièvre et fatigue, ne sont survenus que plusieurs jours après. D’où le décalage avec le branle-bas de combat actuel. L’homme refait un test qui se révèle, cette fois, positif. Il est immédiatement placé en confinement à son domicile, son état de santé ne nécessitant pas d’hospitalisation.

Toutes les personnes qu’il a côtoyées sont contactées par l’ARS : «Six personnes contacts à risque : trois de son entourage professionnel et trois de sa famille proche», d’après le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Elles ne semblent pas avoir été contaminées à ce jour. Mais Patrick Mavingui craint le pire : «Je suis un peu persuadé que d’autres cas omicron vont se déclarer à la Réunion dans les prochains jours !»

Vers des «mesures de protection supplémentaires»

Ce mardi, 11 heures. La préfecture annonce que les vols en provenance de l’Afrique du Sud sont suspendus jusqu’au 1er décembre. Les tests RT-PCR, systématiques, des passagers des vols régionaux seront renforcés par des tests antigéniques, plus rapides, pour obtenir «un résultat immédiat» et «isoler les cas positifs». Le préfet, Jacques Billant, a par ailleurs demandé au gouvernement «des mesures de protection supplémentaires», qui nécessitent une modification réglementaire au niveau national. Elles pourraient être publiées au Journal officiel dès mercredi. Il s’agira de limiter le flux des voyageurs en provenance des pays de la zone océan Indien, soit en suspendant des vols, soit en instaurant des motifs impérieux pour voyager.

Une décision lourde de conséquence pour le département d’outre-mer, au plus fort d’une saison touristique qui s’annonçait plutôt bonne. Sans compter les Réunionnais qui étaient partis en voyage et se retrouvent bloqués. C’est le cas d’un infirmier de Saint-Pierre, coincé en Afrique du Sud. «Nous sommes bloqués, témoigne Morgan Prioville. L’info est tombée hier comme une bombe, décision prise en catastrophe…» Le Réunionnais et sa compagne devaient reprendre le travail lundi et sont en attente «d’informations officielles». Ils espèrent être rapatriés jeudi. En attendant, ils font doublement attention, d’autant plus que les Sud-Africains n’appliquent, selon Morgan Prioville, «quasiment aucune mesure restrictive».

 

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