Plus contagieux, le variant 501Y.V2 du Covid-19 circule activement dans l’océan Indien. Les départements d’outre-mer ont pris des mesures mais n’ont pu endiguer la contamination, sans doute en provenance de l'archipel.
Laurent DECLOITRE, 29 janvier 2021
Le scénario est digne du film de Soderbergh, Contagion, dans lequel une épidémiologiste remonte la chaîne de contamination d’un virus pandémique. Dix ans plus tard, dans la vraie vie, le variant sud-africain du Covid-19 explose à Mayotte et inquiète à La Réunion. D’où vient-il ? Tout laisse penser que le 501Y.V2 a transité par une île de l’océan Indien de 290 km2, où viennent pondre des milliers de tortues : Mohéli, la plus petite des trois îles des Comores.
Le patient zéro serait un homme de retour d’Afrique du Sud. Le 17 décembre, il contamine son épouse, puis la belle-mère, qui tient une petite école coranique. L’épidémie, qui s’était éteinte, flambe aussitôt dans ce territoire déshérité de 50 000 habitants. Le 28 décembre, la circulation maritime entre Mohéli et les deux autres îles des Comores est interdite ; puis c’est le tour des liaisons aériennes effectuées en temps normal par de petits coucous. Trop tard.
Le 29 décembre, premier mort. Le 3 janvier, le maire de Fomboni, la capitale de Mohéli, décède à son tour, tandis qu’une douzaine de médecins, démunis, sont contaminés. «Il n’y a ni eau ni gel hydro alcoolique, la nourriture manque, les chambres comptent jusqu’à six lits superposés, certains sans matelas», confie l’un d’eux à Mayotte 1ère, la station télé et radio du département français situé à 70 kilomètres des Comores.
Mayotte sous couvre-feu
Un habitant de Mohéli, Archimède Mkouboi, décrit à Libération une île «quasiment ravagée». Cette semaine, Assoumani Azali, l’autoritaire président de l’Union des Comores, reconnaît que son pays est confronté à «une progression exponentielle de la pandémie» et confirme la présence du variant sud-africain. Cette deuxième vague a déjà fait environ 70 morts en l’espace d’un mois dans le pays, contre officiellement 7 en un an lors de la première. Les mariages sont interdits, les mosquées fermées, les écoles aussi à Mohéli. Saana, documentaliste à Grande Comore, l’île principale du pays, tout comme son mari et ses deux enfants, ont été contaminés. «J’ai ressenti une douleur et lourdeur au bras droit, puis j’ai eu de la fièvre avec une tension très basse», raconte-t-elle à Libération. Courbatures, migraine, extrême fatigue complètent le tableau.
Et ce qui devait arriver arriva. Le 15 janvier, un voyageur arrivant des Comores à Mayotte est dépisté positif au variant ; la préfecture suspend aussitôt les liaisons aériennes et maritimes pour deux semaines. Deux jours plus tard, trois nouveaux cas : Mayotte est alors placée sous couvre-feu de 18 heures à 4 heures du matin. «La situation est sans doute plus sérieuse que celle que nous avons surmontée au printemps 2020», s’inquiète le préfet Jean-François Colombet, qui promet par ailleurs, une nouvelle fois, «le renforcement des moyens de l’Etat pour la protection des frontières maritimes». Car les «kwassas kwassas», barques motorisées transportant clandestinement des Comoriens qui veulent s’installer en France, continuent d’arriver sur les plages mahoraises.
Solidarité régionale
Rien n’y fait. Jeudi, le département d’outre-mer enregistre 798 nouveaux cas, soit un taux d’incidence de 285,5 (pour 100 000 habitants) et un taux de positivité aux tests de 14%, «un des plus élevés de France», déplore Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé. Plus de 50 cas de variants sud-africains sont détectés, avec un record de 40% de présence lors de derniers prélèvements. La situation sanitaire se dégrade si vite que le préfet place les communes de Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi en strict confinement.
A La Réunion, située à égale distance de Mayotte et de l’Afrique du Sud, les pouvoirs publics redoutent évidemment que le variant débarque à son tour. Les motifs impérieux sont à nouveau demandés pour prendre un vol entre les deux départements d’outre-mer et un test PCR négatif est exigé avant d’embarquer. Enfin, les voyageurs doivent respecter une septaine à leur arrivée dans l’une des deux îles : mais il ne s’agit que d’une «obligation morale»… Des mesures qui concernent également la liaison Réunion-métropole dans les deux sens.
Pour autant, la solidarité régionale se poursuit. Jeudi, un avion des forces armées de la zone sud de l’océan Indien a décollé de La Réunion pour acheminer aux Comores 750 kilos de matériel, 12 000 tests antigéniques et 100 000 masques FFP2. Et les évacuations sanitaires se poursuivent vers La Réunion, où des premiers cas de variant ont été dépistés.
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