Les miracles d’un french doctor
FIROZE KOYTCHA, L’HUMANITAIRE CONTRE VENTS ET MARÉE
Firoze Koytcha, chirurgien réunionnais de 76 ans, enchaine les missions humanitaires à Madagascar. Ce musulman chiite rescapé d’un crash aérien, admirateur de l’abbé Pierre, vient d’être promu chevalier de la légion d’honneur par Matignon.
Par Laurent DECLOITRE, Témoignage Chrétien n° 3666 du 28 janvier 2016
Morondava, métropole de planches et de tôles ensablée à l’ouest de Madagascar, dans l’océan Indien. Une équipe de 45 chirurgiens, médecins, dentistes et opticiens venus de la Réunion, de métropole et d’Antananarive, la capitale, enchaine les consultations et les interventions dans des conditions précaires, sous la férule autoritaire et charismatique de Firoze Koytcha. « Bossez, sinon je devrai rembourser notre mécène », tonne l’ancien chef de service de chirurgie vasculaire de l’hôpital de Saint-Denis de la Réunion, en leur jetant, gamin, des boulettes de pain. Les bénévoles, impressionnés par ce septuagénaire amateur de Black Label, se plient en quatre : près de 12 000 patients seront soignés en moins de deux semaines ! Le président de l’ONG Médecins de l’océan Indien (M.O.I) donne l’exemple : lui-aussi a effectué les 15h de route entre Tana et Morondava, lui-aussi subit les assauts des punaises dans sa modeste chambre d’hôtel après avoir passé 8h d’affilé à opérer. À 76 ans…
Depuis plus de 25 ans, Firoze Koytcha conduit des missions humanitaires dans le pays qui l’a vu naître, en 1939, sur l’île de Sainte-Marie, au Nord-Est de Mada. Là où son grand-père, commandant d’un boutre, s’est installé à la fin du 19ème siècle, après avoir fui la misère en Inde. Trois quarts de siècle plus tard, « le petit Malgache », de nationalité française, est promu chevalier de la légion d’honneur par Manuel Valls. « Ça fait chaud au cœur », s’émeut celui que la vie n’a pas épargné.
En 1989, des commerçants karanes, la communauté chiite, plutôt prospère, de Madagascar, dont il est issu, sont pillés et tués. « Je ne pouvais rester dans mon cabinet climatisé, à 1h30 de vol, sans rien faire, raconte Firoze Koytcha, installé à la Réunion après avoir suivi des études de médecine à Rouen et Paris. Le chirurgien crée avec des amis musulmans l’Association sanitaire karane, qui deviendra plus tard M.O.I.
Débute l’aventure, avec ses joies et ses tragédies. En 1995, Firoze Koytcha est mis en cause, après la mort de 36 missionnaires, dont son propre frère et 19 Français. L’avion, que l’armée malgache avait mis à disposition de l’association, s’est écrasé. Seuls quatre bénévoles survivent, dont Koytcha, gravement blessé. « Je n’ai jamais été autant sali de ma vie, confesse, encore ému, le retraité. Pour les familles des victimes, il était choquant que le patron de la mission s’en sorte ». Le miraculé, admirateur de l’abbé Pierre, prend son bâton de pèlerin et leur rend visite en métropole. Malgré tout, un collectif porte plainte ; le procès va jusqu’à la Cour de cassation, qui dédouane l’association et son président. Ce dernier n’est pourtant pas au bout de ses peines. Quelques mois après le drame, son père est assassiné par un cambrioleur.
« Mes proches m’ont dit que Mada ne méritait pas ces sacrifices, se souvient l’humanitaire. Mais je n’avais pas le droit d’arrêter ». Début novembre, Firoze Koytcha s’est envolé pour une nouvelle mission ! « Soigner les gens décuple vos forces, assure-t-il. Et Dieu m’a donné une excellente santé ». Il a bientôt 77 ans…
Laurent DECLOITRE
Dons à http://moi-asso.com
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