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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Lorsqu'il s'absente, Mohamed Ali attache Kamal dans cette cave, de peur qu'il ne devienne violent. Le pauvre dément se laisse faire, inconscient de la situation inhumaine à laquelle il est soumis.
Lorsqu'il s'absente, Mohamed Ali attache Kamal dans cette cave, de peur qu'il ne devienne violent. Le pauvre dément se laisse faire, inconscient de la situation inhumaine à laquelle il est soumis.

LIBÉRATION, de notre envoyé spécial Laurent Decloitre, 21 novembre 2014

Voir les photos en bas de l'article.

COMORES : LE CALVAIRE DES MALADES MENTAUX

Aux Comores, face à l’île française de Mayotte, les malades mentaux ne sont pas soignés. Ce petit pays musulman de l’océan Indien ne compte qu’un seul psychiatre. Aussi, lorsque les fous deviennent dangereux, ils sont enfermés, attachés, enchainés par leur famille, parfois dans des conditions inhumaines. Le terme n’est pas exagéré.

Le regard las, le maintien digne dans son boubou blanc, Ali Mohamed, tente, dans un français hésitant, de justifier l’intolérable : le sexagénaire de Chouani, un bourg situé à 17 km au Sud de Moroni, la capitale des Comores, doit se rendre à la mosquée. Il demande alors à son neveu de 46 ans, assis à ses côtés, de le suivre dans la cave de sa modeste maison en béton. Là, il l’enchaine sur une poutre en bois jetée à même la terre. Ni lumière, ni matelas, ni toilettes. Kamal, le neveu d’Ali, ne peut bouger, plaqué au sol, entravé aux poignets par une chaine qui a creusé, depuis toutes ces années, des cicatrices violacées. Parce que nous sommes là, l’oncle a demandé au fou de garder son pantalon… Kamal, qui balance des bouts de phrases gutturales en shikomor, s’est laissé faire, a tendu de lui-même les bras pour que l’oncle puisse fermer les deux cadenas.

« Ça me fait du mal, mais je suis obligé, sinon il casse tout quand je ne suis pas là », murmure le retraité, en montrant, dehors, les fils électriques tirés de leur gaine, le lit métallique désossé et même un pilier en béton rongé à sa base. « Il a arraché les tapis de la mosquée, cassé un pare-brise, poursuit Ali, de sa voix douce, désespéré. Il est un frein dans ma vie ; comment je fais pour rembourser ? » La dernière fois, Kamal a pénétré dans la maison d’Abdel Aziz, de l’autre côté de la place du village, emprunté le couloir en zigzag qui mène à l’arrière-cour et cabossé de ses poings meurtris le groupe électrogène abrité sous une feuille de tôle. Un crime de lèse-majesté dans ce pays marqué par d’incessantes « coupures de lumière ». Tant et si bien que Kamal reste seul, immobilisé, des heures, des jours, des semaines, jusqu’à ce que la barbe et la crasse le rendent méconnaissables.

Un cas extrême ? Dans les rues sales et pentues de Moroni, dans le dédale populeux du marché Volo-Volo, on remarque des personnes à l’esprit visiblement dérangé, qui rient, crient, errent. Comme cet homme qui parcourt tous les jours plusieurs kilomètres sur la route menant à l’aéroport… en sautillant sur un pied. « Tout le monde est fou ici, c’est un problème de santé publique », balance entre deux consultations, mi-figue, mi-raisin, le gynécologue Chacour, dans le bureau sombre de sa petite clinique privée. Hassani Mistoihi, l’unique psychiatre de tout le pays, confirme : « Je ne saurais dire pourquoi, mais en l’espace de dix ans, la situation semble s’être aggravée. Je vois de plus en plus de malades mentaux qui divaguent. »

« FOUS DEPUIS LEUR CIRCONCISION »

Au moins, ceux-là jouissent de leur liberté et semblent acceptés par la population. Mais lorsqu’ils deviennent dangereux, les malades sont enfermés. Pas dans un centre spécialisé : il n’y a pas d’hôpital psychiatrique dans cet archipel de l’océan Indien, l’un des pays les plus pauvres au monde. Les familles se débrouillent avec les moyens du bord. Dans une chambre, un recoin, une cave… Les exemples abondent, comme à Mitsoudjé, un village proche de Chouani, dont les maisons en parpaings bruts sont hérissées de tiges de fer. Impression d’un immense chantier inachevé, comme partout sur l’île.

Kyecha Moussa presse la main contre le cœur, effrayée par la visite d’un mzungu (blanc). La vieille femme élève ses deux neveux, « fous, selon elle, depuis leur circoncision ». C’est en tout cas lors de la cérémonie, souvent traumatisante pour les jeunes garçons, que la famille s’est rendu compte du déséquilibre mental d’Abdou et Rodrigues. Ils avaient alors huit ans, ils en ont aujourd’hui 28 et 36... L’aîné, « le plus violent », n’a jamais fréquenté les bancs de l’école. Il dort sur un matelas miteux posé sur le sol ; en guise d’oreiller, un essieu de voiture, auquel il est attaché avec une chaine. Une seule main est laissée sans entrave, pour lui permettre de manger. « Quand il a eu sa crise, on s’est mis à cinq pour l’enchainer », précise sans émotion apparente Bacar Miadi, le beau-frère qui enseigne l’arabe et fait vivre toute la famille. Lors de notre passage, Rodrigues venait d’être libéré, suite à une prière collective qui l’aurait calmé ; depuis, le pauvre hère a disparu…

FORTE STIGMATISATION

Après des années d’enfermement, comment gérer sa liberté recouvrée sans accompagnement thérapeutique ? Dhilkamal, un jeune touche-à-tout de l’image et d’internet, surnommé black-man, raconte, encore tremblant, l’histoire d’Hadidja, une habitante de son village : « Elle était enfermée depuis si longtemps que je la pensais morte. J’ai cru voir un revenant, elle a les bras minces comme des brindilles ! » À peine relâchée par sa famille, Hadidja s’est enfuie. Dès la première nuit, elle est tombée dans un bassin et a failli se noyer. Sauvée in extremis par le propriétaire des lieux, qui s’est éclairé à l’aide d’un téléphone portable.

Une autre démente, à Moroni, est elle toujours attachée. Ses frères la retiennent par « une chaine de huit mètres de long », décrit le fragile Mohamed, un voisin diabétique. Lorsqu’elles vagabondent, les femmes souffrant de problèmes mentaux se voient parfois imposer des relations sexuelles par des hommes profitant de leur fragilité ; elles accouchent alors de « bâtards ». C’est pour éviter cette honte que les proches préfèrent les tenir enfermées.

Plusieurs familles ont refusé de nous rencontrer, gênées d’abriter en leur sein un aliéné. En 2000, une enquête internationale[1], La santé mentale en population générale, concluait qu’aux Comores, « les malades mentaux et leurs proches ainsi que les professionnels prodiguant des soins sont victimes d'une très forte stigmatisation ». Aussi faut-il saluer le courage d’Ali, de Bacar, de Tuma qui nous ont ouvert les portes, qui ont parfois accepté la caméra (voir les vidéos sur liberation.fr), risquant l’opprobre de la communauté. Ces familles désemparées n’en peuvent plus et souhaitent créer un électrochoc. Car à ce jour, les Comores ne disposent d’aucune réelle infrastructure pour prendre en charge les malades.

MANQUE DE NEUROLEPTIQUES

À Moroni, l’hôpital public El-Maarouf, dont la façade blanche peut faire illusion, ne dispose pas de service spécialisé. À l’intérieur, les couloirs aux plafonds démesurés suintent et s’effilochent ; dans la cour, des tas de déchets, des carcasses de voiture, des canaux d’évacuation percés. Formée à 200 km de là, sur l’île française de Mayotte, Madania Ali Ridhoi, l’unique infirmière psychiatrique de l’établissement, reçoit tant bien que mal une demi-douzaine de patients par semaine. « Ils souffrent de psychose, schizophrénie, trouble bipolaire, paranoïa, hallucination, énumère-t-elle. On soigne aussi de nombreuses névroses ». Soigner… La praticienne relativise, dénonçant « un manque cruel de moyens ». L’équipe est secondée par une psychologue, qui a suivi des études en Somalie et au Yémen, au statut de « stagiaire bénévole »… depuis novembre 2011.

Ibrahim Djabir, le chef de services des urgences, se désole lui de la pénurie chronique de neuroleptiques comme le Loxapac et le Tercian. « J’ai obtenu un budget du ministère, une pharmacie a bien voulu commander dix boites mais lorsque les ampoules arriveront, j’ai bien peur qu’elles soient périmées », soupire-t-il.

La consultation à l’hôpital coûte 3000 Francs Comoriens (environ 6€), une semaine de traitement pour un patient violent 40€ en moyenne, ce qui peut représenter un quart du salaire mensuel. « Comment puis-je décemment prescrire du Risperdal à un schizophrène, alors qu’une boite coûte 100 euros », plaide le Dr Mistoihi. Le psychiatre, qui partage son temps entre l’hôpital, sa clinique privée et de très nombreux voyages à l’étranger, a obtenu son diplôme de médecine générale à Madagascar puis suivi des formations à Dakar (Sénégal) et Marseille.

La famille de Rodrigues a elle déboursé 150€ pour qu’un médecin de Mitsoudjé fasse une piqure au forcené. Ce dernier avait blessé un homme au visage, qui a dû se faire opérer en France. Depuis cette consultation, Rodrigue n’a plus jamais vu de blouse blanche… Ali, l’oncle de Kamal, invoque lui-aussi les coûts, du taxi, de la visite, des médicaments, pour justifier l’absence de soins.

Dans ce contexte, faute de consultations suivies, qui peut dire de quoi souffrent vraiment ces « fous » ? Hassani Mistoihi estime pour sa part que les troubles de l’anxiété et les syndromes dépressifs sont les plus fréquents, sans oublier les cas de schizophrénie associés à des épisodes « maniaco-délirants ». Le médecin a encore en tête l’un de ses derniers patients, conduit menotté à son cabinet par la famille... En tout état de cause, selon le psychiatre, les pathologies ne seraient pas plus nombreuses aux Comores que dans d’autres pays, mais simplement plus visibles. Ni le contexte économique de forte misère, ni les codes, parfois rigides, de cette société musulmane, n’auraient de réelle incidence.

MARABOUTS ET FUNDIS

À voir… Le moyen de guérison le plus sûr pour les Comoriens serait de s’adonner à « des pratiques magico-religieuses », conclut l’étude La santé mentale en population générale. D’où le recours coutumier à un marabout, aux pouvoirs de sorcier. Lors de la séance de désenvoutement, l’homme, selon les témoignages que nous avons recueillis, psalmodie dans un sabir mêlant shikomor, malgache, français... En transe, il demande de sacrifier un coq rouge ou d’emmener « un bouc sans corne dans une grotte ». Avec des résultats incertains… Madania Ali Ridhoi, l’infirmière, garde en souvenir cet adolescent enfermé dans une chambre, qui « faisait ses besoins sous lui ». Ses parents étaient rentrés de France spécialement pour emmener leur fils voir un de ces marabouts, à Moidja, au Nord-Est de l’île.

D’autres préfèrent s’en référer à des « savants », les fundis, souvent exégètes du Coran. C’est le cas de Tuma, 60 ans, à Pvanambwani, un village de pêcheurs. La « mama » revient essoufflée de la prière, réajuste son lesso coloré autour des épaules et nous présente Ibrahim, de trois ans son aîné. Docile, un sourire aux lèvres, l’homme ne parle pas. Lorsqu’Ibrahim a commencé à « casser des assiettes et à crier », de retour de Tanzanie où il suivait des études d’anglais, Tuma n’a pas fait appel aux médecins. « On a vu des fundis, qui l’ont affaibli pour qu’il ne ravage plus ». Dans son malheur, Ibrahim a de la chance : les maîtres coraniques ayant dressé « une barrière invisible autour de la maison », il n’a plus besoin d’être attaché.

Même l’érudit Moussa Saïd y croit. L’historien, ancien doyen de la faculté des Lettres, évoque sa mère, « une fundi en djinns », qui, une fois en transe, parvenait à mobiliser ces « protecteurs et bienfaiteurs » pour soigner les malades. À sa façon, le posé Ahmed Saïd, qui conduit les très rares touristes au sommet du volcan Karthala, au centre de la Grande Comore, confirme : « Tu deviens fou parce qu’on t’a jeté un sort ou parce qu’Allah l’a voulu ». Contemplant, face à un vent furieux, le cratère le plus large au monde, l’homme redescend sur terre : « Tu peux aussi perdre tes esprits en cas d’appauvrissement ou après un chagrin d’amour »…

À Mvouni, le dernier village avant l’ascension du volcan, le fundi Ali, « connu de toute l’île », reçoit une foule compacte chaque mardi dans sa maison en béton gris. « Il a plus de patients que nous », regrette Madania Ali Ridhoi. L’infirmière avait dû intervenir auprès d’un autre fundi selon qui une étudiante, schizophrène, était inguérissable. « J’ai dit au sage que j’étais musulmane comme lui. Je pouvais moi aussi faire sortir le mal de la tête de la jeune femme. » Depuis, le maître coranique recommanderait à ses patients de consulter également les médecins.

UN PROJET DE...TÉLÉMÉDECINE

Associer les religieux aux blouses blanches : c’est là l’un des objectifs d’un projet financé à hauteur de 200 000 euros par l’organisation caritative Grands Défis Canada et les laboratoires français Sanofi . Il est prévu de former 93 agents communautaires. Ces travailleurs sociaux seront chargés de repérer les déments, libres ou enfermés, et de convaincre leurs proches de les adresser vers les centres de santé communaux, quitte à ce que les fundis et marabouts jouent le rôle d’intermédiaire. Six infirmières et cinq médecins recevront par ailleurs une formation en psychiatrie.

Plus original, voire surréaliste dans un pays où la connexion internet s’interrompt au gré des incessantes coupures d’électricité, « les cas difficiles » seront pris en charge via Skype et traités en télémédecine, soit par le psychiatre de l’hôpital de Moroni, soit par des collègues de France ou du Maroc… La preuve que « la santé mentale est une priorité du gouvernement comorien », assure dans son cabinet sommaire, situé au rez-de-chaussée de sa maison en construction, Mohamed Chamsoudine, médecin généraliste, par ailleurs directeur de la lutte contre la maladie au ministère de la Santé. Le représentant du gouvernement sait pourtant le sort réservé aux forcenés, parlant même d’espèces de carcans en bois, un peu à l’image des piloris du Moyen-Âge, encore employés par des familles !

Qu’est-ce que le projet va changer dans la vie de Kamal, le fou enchainé comme un chien dans la cave d’Ali ? Le misérable a à nouveau le droit de sortir sans la présence de son oncle. Mais il a les deux mains enchainées, reliées aux chevilles par une autre chaine, trop courte. Cassé en deux, il ne peut marcher qu’à petits pas. Parfois, il demande distinctement une cigarette aux voisins, donnant la terrible impression d’être, à ce court instant…lucide.

Laurent DECLOITRE

Quand la vie de Kamal a basculé

Kamal n’a pas toujours été fou. Abandonné par sa mère à la naissance, en 1968, le garçon est élevé par les grands-parents. Il passe une enfance normale, obtient même un bac littéraire, un diplôme que peu de jeunes réussissent aux Comores. Le jeune adulte part rejoindre son père, qui travaille à Paris pour l’Unesco.

Lorsque Kamal tombe malade, tout bascule : son père étant en mission au Soudan, il est pris en charge par une tante de Marseille. Cette dernière le renvoie aux Comores. Là, il est soigné dans un premier temps par un médecin militaire, puis interné à l’hôpital El-Maaruf de Moroni. « Il allait mieux, mais cela n’a pas duré », se souvient son oncle Ali.

Kamal rechute. Son père, de retour au pays, alors secrétaire général de la présidence, est tué en 1995, lors d’un coup d’État fomenté par l’ancien barbouze français, Bod Denard. Le fou ne reverra plus jamais de médecin. Ali, qui l’a recueilli, l’adresse à un marabout. Après les séances, Kamal fait preuve d’une violence accrue… C’est à partir de cette époque que l’oncle, démuni, perdu, a commencé à l’enchainer.

Surnaturel

Le meilleur moyen de soigner un fou aux Comores, selon un sondage effectué par l’enquête internationale La santé mentale en population générale, serait d’abord de recourir à des pratiques magico-religieuses (30,7 %) et à des religieux (8,4 %). Les médicaments et l'hospitalisation ne convainquent, respectivement, que 17% des habitants.

40%

Au recensement de 1991, la population des handicapés était estimée à 6470 personnes soit environ 1,4 % de la population totale. Parmi ces derniers, 39,9% seraient des handicapés mentaux, selon le ministère de la Santé des Comores. Des chiffres à prendre avec précaution.

Pauvreté extrême

Avec un indice de développement humain de 0,488, les Comores sont classées par l’ONU 159ème sur 187 pays. Selon un rapport de l’OMS, « en l’absence de toute croissance économique, le taux de pauvreté risque d’atteindre 93% de la population en 2015 ». Seulement 12% des habitants possède un véhicule, révèle l’enquête démographique effectuée en 2012 par le gouvernement comorien. Plus de la moitié des ménages utilise comme toilettes une fosse d’aisance sans dalle ou un trou ouvert. Le taux de prévalence du paludisme atteint 34% dans les consultations. Le pays bénéficie de l’aide internationale, principalement de la France, des pays arabes et de la Chine.

Ancienne colonie française

L’archipel des Comores, situé au Nord-Ouest de Madagascar, comporte quatre îles. Mohéli, Anjouan et Grande-Comore forment l’Union des Comores, devenue indépendante en 1975 ; Mayotte, elle, est restée française. Les Comoriens pratiquent à plus de 95% un islam sunnite modéré. Le pays vient d’être ajouté sur la liste des pays à risque par le ministère des Affaires étrangères de la France. Le français est la langue officielle, à l’école comme dans les administrations, mais les quelque 750 000 habitants parlant plus volontiers le shikomor entre eux.

« Laisser divaguer les fous dans la rue les empêche d’avoir une chance d’être soignés. On les croit libres mais ils vivent comme des enfants sans conscience. Quand des familles les attachent, ils perdent toute confiance et ne se sentent plus considérés comme des êtres humains ». Madania Ali Ridhoi, infirmière psychiatrique.
« Quand je suis arrivée à neuf ans à la Réunion, j’ai demandé à ma mère où les Français cachaient leurs fous ; il n’y en avait aucun dans les rues ! Quelle drôle de société qui avait honte de ses malades ou qui les enfermait ». Fathate Karine Hassan, maître de conférence en littérature à l’université des Comores.
« À maltraiter le fou comme nous le faisons aujourd'hui, c'est nous-même que nous maltraitons, sans le savoir et sans en mesurer la portée ». Patrick Coupechoux, dans « Un monde de fous : comment notre société maltraite ses fous », Seuil, 2006.

[1] Enquête réalisée aux Comores, à Madagascar, en métropole et à la Réunion, par l'association septentrionale d'épidémiologie psychiatrique, le département d'information et de recherche médicale de l'établissement public de santé mentale de Lille, et le centre collaborateur de l'organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale.

Bacar montre la chaîne que Rodrigues a brisée pour s'échapper. (photo LD)

Bacar montre la chaîne que Rodrigues a brisée pour s'échapper. (photo LD)

Les Comores comptent parmi les pays les plus pauvres au monde. (photo LD)

Les Comores comptent parmi les pays les plus pauvres au monde. (photo LD)

À l'hôpital public de Moroni, les consultations et les médicaments sont payants. (photo LD)

À l'hôpital public de Moroni, les consultations et les médicaments sont payants. (photo LD)

En novembre 2014, cela faisait trois ans que cette stagiaire de l'hôpital n'avait pas été indemnisée. (photo LD)

En novembre 2014, cela faisait trois ans que cette stagiaire de l'hôpital n'avait pas été indemnisée. (photo LD)

Pour les Comoriens, abriter un fou dans sa famille  est souvent considéré comme honteux. (photo LD)

Pour les Comoriens, abriter un fou dans sa famille est souvent considéré comme honteux. (photo LD)

Abdou, à droite, est lui laissé libre, car non violent, contrairement à Rodrigues. (photo LD)

Abdou, à droite, est lui laissé libre, car non violent, contrairement à Rodrigues. (photo LD)

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W
Bonjour,<br /> <br /> Je vous contacte au sujet de votre article paru dans libération sur les fous des Comores. Je voulais vous féliciter d'amener un peu de lumière sur ce sujet un peu oublié de la condition des malades mentaux dans les pays du Sud. La situation que vous décrivez est en effet assez similaire à celle que vivent de nombreux malades à travers le monde. <br /> Je suis doublement touché par votre article, en tant que psychiatre tout d'abord, et en tant que président d'une ONG (Santé Mentale en Afrique de l'Ouest-Smao) qui s'occupe de soutenir des initiatives locales pour le soin des malades. <br /> Comme vous le suggérez aussi dans votre article, es rares initiatives d'aide, sont souvent de peu d'ampleur et négligent souvent les seules garantes d'un soin pérenne : L’accessibilité géographique (lieux de soins) et financière (Traitement à des prix raisonnable). Malheureusement, et même si cela n'est pas très politiquement correct à souligner, nous avons constaté sur le terrain, relativement souvent, une passivité de la communauté psychiatrique locale qui est plus soucieuse de s'occuper d'une clientèle privée que de développer des systèmes de soins à l'échelle d'un pays (Il ne s'agit pas de blâmer des confrères, car que ferions-nous à leur place, mais de constater cet état de fait...).<br /> <br /> Je voulais donc, vous signaler une initiative, que vous connaissez peut-être cependant, née depuis 30 ans en Côte d'Ivoire et au Bénin, menée par un homme Grégoire Ahongbonon, qui a fait du soins et de la réinsertion des malades mentaux, le combat de sa vie. C'est son association (ONG Saint Camille de Lellis) que nous soutenons au travers de programmes de financement et de formation psychiatrique réguliers.<br /> <br /> Cette initiative, sans guère d'équivalent sur le continent, développe une psychiatrie accessible (Coût des médicaments, quelle que soit l’ordonnance : 3 € (2000 Fcfa) quand le prix à l'hôpital varie de 10 à 30 €, et reste du coût inaccessible aux familles.<br /> <br /> Nous constatons, que la mise en place de soins à grande échelle sur un pays comme le Bénin (L'ONG Saint-Camille gère 34 Hôpitaux psy, 4 Grands centres de consultation, et une vingtaine de Centre-Relais répartis sur le territoire), permet de faire reculer, de façon considérable les pratiques d'enchaînements et d'exclusion et les croyances associées à la folie, que vous décrivez bien dans votre article.<br /> <br /> Je vous laisse le lien vers notre site internet, sur lequel vous trouverez des photos et des reportages vidéo qui témoignent de la situation de ces malades, mais aussi de l'espoir que génère des initiatives comme celle de la Saint-Camille...<br /> <br /> www.africapsy.com<br /> <br /> C'est parce que nous avons vu de nombreux Kamal, soignés, et réhabilités que nous nous investissons dans ce combat un peu oublié... L'Oms (très administrative !) ainsi que les grandes Ong médicales (MSF, MDM...) ne faisant pas vraiment de la Santé Mentale une de leur grande priorité.<br /> <br /> Voilà pourquoi, nous vous remercions de ce très bel article dans lequel, nous avons reconnus beaucoup de ces exclus croisés au fil des routes africaines... <br /> <br /> Dr Alarcon William<br /> Président Smao
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W
Bonjour,<br /> <br /> Je vous contacte au sujet de votre article paru dans libération sur les fous des Comores. Je voulais vous féliciter d'amener un peu de lumière sur ce sujet un peu oublié de la condition des malades mentaux dans les pays du Sud. La situation que vous décrivez est en effet assez similaire à celle que vivent de nombreux malades à travers le monde. <br /> Je suis doublement touché par votre article, en tant que psychiatre tout d'abord, et en tant que président d'une ONG (Santé Mentale en Afrique de l'Ouest-Smao) qui s'occupe de soutenir des initiatives locales pour le soin des malades. <br /> Comme vous le suggérez aussi dans votre article, es rares initiatives d'aide, sont souvent de peu d'ampleur et négligent souvent les seules garantes d'un soin pérenne : L’accessibilité géographique (lieux de soins) et financière (Traitement à des prix raisonnable). Malheureusement, et même si cela n'est pas très politiquement correct à souligner, nous avons constaté sur le terrain, relativement souvent, une passivité de la communauté psychiatrique locale qui est plus soucieuse de s'occuper d'une clientèle privée que de développer des systèmes de soins à l'échelle d'un pays (Il ne s'agit pas de blâmer des confrères, car que ferions-nous à leur place, mais de constater cet état de fait...).<br /> <br /> Je voulais donc, vous signaler une initiative, que vous connaissez peut-être cependant, née depuis 30 ans en Côte d'Ivoire et au Bénin, menée par un homme Grégoire Ahongbonon, qui a fait du soins et de la réinsertion des malades mentaux, le combat de sa vie. C'est son association (ONG Saint Camille de Lellis) que nous soutenons au travers de programmes de financement et de formation psychiatrique réguliers.<br /> <br /> Cette initiative, sans guère d'équivalent sur le continent, développe une psychiatrie accessible (Coût des médicaments, quelle que soit l’ordonnance : 3 € (2000 Fcfa) quand le prix à l'hôpital varie de 10 à 30 €, et reste du coût inaccessible aux familles.<br /> <br /> Nous constatons, que la mise en place de soins à grande échelle sur un pays comme le Bénin (L'ONG Saint-Camille gère 34 Hôpitaux psy, 4 Grands centres de consultation, et une vingtaine de Centre-Relais répartis sur le territoire), permet de faire reculer, de façon considérable les pratiques d'enchaînements et d'exclusion et les croyances associées à la folie, que vous décrivez bien dans votre article.<br /> <br /> Je vous laisse le lien vers notre site internet, sur lequel vous trouverez des photos et des reportages vidéo qui témoignent de la situation de ces malades, mais aussi de l'espoir que génère des initiatives comme celle de la Saint-Camille...<br /> <br /> www.africapsy.com<br /> <br /> C'est parce que nous avons vu de nombreux Kamal, soignés, et réhabilités que nous nous investissons dans ce combat un peu oublié... L'Oms (très administrative !) ainsi que les grandes Ong médicales (MSF, MDM...) ne faisant pas vraiment de la Santé Mentale une de leur grande priorité.<br /> <br /> Voilà pourquoi, nous vous remercions de ce très bel article dans lequel, nous avons reconnus beaucoup de ces exclus croisés au fil des routes africaines... <br /> <br /> Dr Alarcon William<br /> Président Smao
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