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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Les pêcheurs contrôlés par la police de l'environnement. (LD)

Les pêcheurs contrôlés par la police de l'environnement. (LD)

Pour éviter l’extinction des bichique, alevins endémiques, les pouvoirs publics ont dû prendre des mesures restrictives. Une injustice selon les habitants qui en vivent, accusés de surpêche ces dernières années.

Libération du 26 novembre 2023
De notre correspondant,
Laurent DECLOITRE

Ils ont failli tuer la poule aux œufs d’or. Dans les années 80, les quelque 500 pêcheurs de bichiques de La Réunion capturaient chaque saison vingt à trente tonnes de ces alevins, considérés par les gastronomes comme le caviar local. Un peu comme les civelles des côtes de la Nouvelle-Aquitaine. Or l’an dernier, seulement 800 kilos ont été déclarés… A l’embouchure de la rivière des Roches, dans l’est de l’île, les pêcheurs sont désabusés. «Il m’arrivait de vendre pour 100 000 francs [15 000 euros] de bichiques en une journée», se souvient Pierre. Aujourd’hui, le gaillard ne peut plus vivre de son activité, une passion «ancrée dans la tête et le cœur» et transmise de père en fils. Maxwell renchérit, grognon : «A l’âge de 13 ans, j’ai gagné 70 000 francs [11 000 euros]. Je n’avais pas besoin de travailler à l’école !»

Ce matin, les deux quinquagénaires n’ont pris que quelques alevins dans leurs vouves, des nasses en forme d’entonnoir – insuffisant pour la vente au prix de 90 à 110 euros le kilo. Ils les consommeront donc en cari, plat emblématique de La Réunion. Comment expliquer cette hécatombe ?

«Vingt ans qu’on tirait la sonnette d’alarme»

La faute au changement climatique, aux courants marins, à la pollution à en croire les premiers intéressés… que beaucoup considèrent en fait comme les seuls responsables. Le bichique est issu d’un petit poisson, le cabot bouche ronde, qui vit dans les rivières, où il pond ses œufs. Après l’éclosion, les larves sont entraînées par le courant jusqu’à l’océan Indien. Là, elles se transforment en alevins et tentent de remonter les cours d’eau, en général à la période de la nouvelle lune, pour perpétuer le cycle de reproduction en amont. Mais voilà : à l’embouchure, les pêcheurs forcent les têtards à emprunter des canaux, dont ils érigent, à même la rivière, les murs à l’aide de galets ; or ces biefs de quelques mètres de large sont obstrués par des moustiquaires et des vouves, où les alevins n’ont d’autre choix que de se précipiter. «Cela fait vingt ans que l’on tirait la sonnette d’alarme et qu’on réclamait davantage de réglementations», soupire Armand Métro, directeur de la Fédération départementale de pêche. Si rien ne changeait, le bichique «fine», endémique de La Réunion et de Maurice, allait disparaître «dans les quatre ou cinq ans», rappelle Valentin Le Tellier, chargé de mission à la direction de l’environnement.

Après moult réunions de concertation, le préfet a enfin pris un arrêté, le 31 décembre, qui cherche «le point d’équilibre entre la préservation de la biodiversité et le maintien d’une activité traditionnelle». La pêche est autorisée seulement six mois dans l’année, de septembre à février ; dans les treize rivières concernées de l’île, au moins un canal doit être libre, sans barrage, pour laisser remonter les bichiques. Les pêcheurs de loisir ne peuvent capturer que trois kilos par jour et n’ont plus le droit de pratiquer la nuit, contrairement aux professionnels. En revanche, ces derniers ne peuvent utiliser que quatre vouves par canal ; s’ils pêchent en mer, face à l’embouchure, leur filet ne doit pas dépasser les 40 m². Pour avoir le droit d’ériger des murets en galets, ils doivent en outre demander une autorisation d’occupation temporaire du domaine public fluvial.

«Eviter les prises accessoires»

Ces mesures sont en vigueur jusqu’à la fin de la saison 2024-2025 et feront alors l’objet d’une éventuelle réévaluation. En attendant, les contrôles se multiplient dans les cours d’eau. Alors que nous pataugeons dans l’eau avec Pierre et Maxwell, une patrouille de la police de l’environnement, émanation de l’Office français de la biodiversité, débarque. Lire la suite sur Libération.

 

Les pêcheurs de bichiques n'ont plus le droit de fermer tous les canaux de l'embouchure. (LD)

Les pêcheurs de bichiques n'ont plus le droit de fermer tous les canaux de l'embouchure. (LD)

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