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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Les victimes auraient consommé des opiacés de synthèse, «500 fois plus puissants que l’héroïne», a indiqué l’Agence régionale de santé. (Andy Buchanan/AFP)

Les victimes auraient consommé des opiacés de synthèse, «500 fois plus puissants que l’héroïne», a indiqué l’Agence régionale de santé. (Andy Buchanan/AFP)

L’Agence régionale de santé a recensé trois décès et six hospitalisations après des intoxications à une substance inconnue, probablement des «opiacés de synthèse 500 fois plus puissants que l’héroïne». C’est la première fois que ce type de drogue fait son apparition sur l’île.

Libération du 12 septembre 2023
De notre correspondant Laurent DECLOITRE

Après seulement deux bouffées de cigarette, sur lesquelles la drogue avait sans doute été vaporisée, ils ont été victimes d’une asphyxie brutale. Les témoignages des six patients hospitalisés en urgence depuis juin à La Réunion concordent, tout comme les signes cliniques «atypiques», constatés par les réanimateurs du CHU de Saint-Denis. Les victimes auraient consommé des opiacés de synthèse, «500 fois plus puissants que l’héroïne», a indiqué lundi l’Agence régionale de santé. Ces patients, âgés entre 21 et 46 ans, s’en sont sortis, mais l’ARS et le Dispositif de toxicovigilance océan Indien déplorent trois décès. Deux jeunes hommes ont été retrouvés morts à leur domicile de Saint-André, à l’est de l’île, et, selon une source proche du dossier, un autre en milieu carcéral.

Une possible «erreur»

Les trois hommes ont visiblement été victimes d’une overdose de ce type de drogue qui n’avait jusque-là jamais été repéré dans le département d’outre-mer. «On a tenu à lancer une alerte pour inviter les consommateurs habituels de stupéfiants à la prudence», indique Nicolas Thévenet, directeur adjoint de la veille et sécurité sanitaire à l’ARS. Les autorités sanitaires estiment en effet que ces overdoses pourraient être dues à une méconnaissance de cette substance. David Mété, chef du service d’addictologie du CHU, évoque une possible «erreur soit des fournisseurs au moment de l’envoi par la poste, soit des clients lors de la commande». Pourquoi cette hypothèse ? A La Réunion, les usagers de drogues consomment plus généralement du «tabac chimique», un cannabinoïde de synthèse, également appelé «la drogue du chaman», et dont les effets, quoique dangereux, sont moins immédiats.

Si la substance la plus couramment utilisée reste le «zamal», le nom local donné au cannabis, les drogues dures ont toutefois leur apparition ces dernières années : ecstasy, MDMA, cocaïne, et d’autres substances permettant de s’adonner au «chemsex». «Il n’y a pas de gros écart entre la métropole et La Réunion, estime Quentin Gorrias, qui intervient dans les milieux festifs pour le compte de l’association Réseau Oté. Juste un décalage de quelques mois ou quelques années.» Il y a peu encore, beaucoup estimaient pourtant que l’île de l’océan Indien était relativement épargnée. «On est malheureusement rentré dans le lot commun», déplore David Mété, rappelant que dans les îles voisines des Seychelles et de Maurice, «des milliers de personnes sont déjà dépendantes aux opiacés ». Or les premières analyses de l’ARS ont conclu que la drogue consommée ces dernières semaines à La Réunion était de «la même famille» que le fentanyl ou l’oxycodone, opiacé antalgique tristement célèbre aux Etats-Unis et au Canada, où l’antidouleur OxyContin a provoqué la mort de dizaines de milliers de patients devenus accros. Rien de semblable à ce jour à La Réunion, puisque les victimes auraient ingéré de la drogue, et non pas un médicament.

Pour autant, l’ARS ne cache pas son inquiétude : l’opiacé de synthèse qui circule dorénavant sur l’île est «très concentré» et donc susceptible d’être ingéré en trop grosse quantité par des consommateurs peu avertis des risques. Un seul gramme envoyé par courrier dans une simple enveloppe permettrait de faire «des centaines de doses». Les autorités sanitaires ont envoyé des échantillons de sang et d’urine à des laboratoires de Bordeaux et de Lille pour connaître la molécule exacte incriminée. Dans l’attente, l’ARS évoque l’éventualité de former le corps médical local à ce type de drogue, puisqu’un antidote, la naloxone, existe. Disponible dans des kits de réversion, elle doit être administrée à forte dose et très rapidement par les premiers secours.

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