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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans l'Express
Le Bras des Lianes, dans l'est de la Réunion. (photo L.D.)

Le Bras des Lianes, dans l'est de la Réunion. (photo L.D.)

L'Express du 19 février 2015, de notre correspondant Laurent DECLOITRE

Le parc national bride les aventuriers de tout poil

Pascal Colas, guide de haute montagne, a ouvert de multiples voies de canyoning à La Réunion et organisé de nombreuses expéditions scientifiques. Il a jeté le gant, découragé par les restrictions du nouveau Parc national.

Passer dix neufs jours dans la forêt primaire, en complète autonomie, « monter au sommet des arbres, comme Tarzan, pour se repérer », constamment penser à sa sécurité : bienvenue dans le monde de Pascal Colas, l’apôtre de « l’alpinisme tropical ». Ce guide de haute montagne est l’homme qui a transformé La Réunion en spot mondial de canyoning. À son actif, l’ouverture de dizaines de voies, dont celle plongeant au fond du mythique Trou de fer en 1989. Le quinquagénaire a également monté plusieurs expéditions scientifiques sur l’île, entraînant avec lui botanistes, ornithologues, entomologistes, géologues…

En 1994, avec le botaniste Frantz Limier, il ouvre une course d’arêtes sous le Grand Bénare, à l’ouest de la Réunion, et découvre au passage des terriers de Pétrels de Barau. Personne ne savait encore comment nidifiait ce petit oiseau marin endémique. Quelques mois plus tard, l’ancien guide de Chamonix pénètre dans un goulet étroit, à 2200m d’altitude, entre Cilaos et Mafate, qu’il nomme la Vallée secrète. Il y reste une semaine, dans des conditions précaires et trouve ce qui semble être un vieil ustensile de cuisson. Il fait part de sa découverte à des archéologues de La Réunion, qui s’y rendront à leur tour, mais en hélicoptère. L’examen approfondi du site révélera des traces d’esclaves « marron », fuyant les chasseurs blancs.

Découverte de nouvelles espèces

En avril 1999, Pascal Colas ressort ses cordes dans la forêt du Tapcal, qui domine le cirque de Cilaos. Avec Frantz Limier et l’ornithologue Jean-Michel Probst, ils tombent sur une pierre gravée de deux cercles, d’une croix et de mystérieux signes : un autre témoignage du passage d’esclaves échappés de leur geôle coloniale. Des fondations, murets, tumulus sont encore mis à jour, et viennent compléter les données des historiens de La Réunion.

En décembre de la même année, deux entomologistes sont conduits par le guide dans le rempart du Grand Bénare et effectuent des piégeages : grâce à un petit groupe électrogène transporté à dos d’homme, ils attirent des insectes avec de la lumière et les capturent dans des filets. Christian Guillermet, alors responsable de l’Insectarium du Port, se souvient de « longues montées épuisantes » et de « descentes abruptes ». Lors des différentes expéditions, les spécialistes répertorieront trente nouvelles espèces d’insectes endémiques de La Réunion, notamment des papillons de nuit. Des plantes uniques au monde seront également découvertes, comme la Faujasia squamosa, une petite fleur jaune si rare qu’elle fait rêver tous les botanistes de la planète.

Concilier découverte et préservation

Sur la lancée, en 2001, Pascal Colas créée l’association Nature, partage et découverte et met sur pied une nouvelle expédition. Il compte explorer les contreforts du Gros-Morne, le massif qui domine l’île. « C’était l’expédition la plus ambitieuse jamais organisée sur l’île, avec un botaniste, un entomologiste, un ornithologue, un géologue, un historien… », se désole-t-il. L’équipe devait vivre en pleine nature, en autonomie, durant trois semaines. Mais en 2007, « la création du Parc national a tout changé », lâche Pascal Colas. L’organisme lui aurait mis tellement de bâtons dans les jambes que le guide de haute montagne a abandonné le projet l’an dernier.

En fait, le Parc national de La Réunion, reconnu comme patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco, exigeait des garanties. « On avait simplement demandé aux organisateurs de préciser leurs objectifs scientifiques et de réduire le nombre de participants. On n’était pas loin de trouver un compromis », relativise Marylène Hoarau, la directrice du Parc national. Avant 2007, ajoute-t-elle, « certains s’étaient octroyés de grands espaces de liberté, sans réel contrôle de leur impact sur la nature ». Or « la Réunion abrite des sites vierges de toute trace humaine, des zones témoin de la nature originelle, ce qui est exceptionnel sur la planète ». Aussi, le Parc peut-il accepter des « intrusions » à but scientifique, mais en prenant un maximum de précautions. Preuve de sa « souplesse », le Parc est le seul de France à autoriser sur son territoire la pratique du canyoning et la course d’arêtes ; en revanche, la création de nouvelles voies et tracés est interdite.

Pascal Colas n’est pas convaincu : il dénonce les « Ayatollah de la nature » et s’est, depuis, reconverti dans le coaching et le conseil auprès de cadres d’entreprises…

Laurent DECLOITRE

Coût de fusil sur le raid

Île de La Réunion Tourisme a renoncé à subventionner le raid aventure de l’ancien journaliste sportif Gérard Fusil. L’organisme veut gommer l’image d’île intense pour promouvoir une destination moins casse-cou.

Kayak dans les rivières tumultueuses de l’île, VTT sur des sentiers pentus, course à travers les forêts et les montagnes, équipes en autonomie complète bivouaquant chaque soir… Durant sept ans, une centaine d’amateurs de sensations fortes ont participé au raid « Réunion d’aventures ». Mais en 2013, la société GFmédias a renoncé à organiser l’événement, en raison du « forfait » d’Île de la Réunion Tourisme. Gérard Fusil, le créateur de « Réunion Aventures », qui organise par ailleurs le fameux Raid Gauloises, se déclare surpris : « Nous ne pensions pas possible que l’organisme se prive d’un outil aussi pertinent à un moment où l’attrait de l’île est fragilisé par la crise liée aux requins ».

Patrick Serveaux, le président d’IRT, justifie l’arbitrage : « Le sport est un excellent vecteur de communication, mais on nous demandait plus de 140 000 euros, cela ne valait pas le coup ». L’insuffisance du retour sur investissement ne justifie pas à lui seul cette décision. Île de La Réunion Tourisme venait de revoir sa stratégie de communication : l’office a abandonné en septembre 2013 le slogan emblématique « La Réunion île intense » pour le remplacer par une signature plus tranquille : « Un voyage d’émotions ». L’objectif est de moins dépendre de la clientèle métropolitaine et des routards allemands ; IRT cherche à convaincre les touristes des pays émergents qu’ils peuvent découvrir « l’authenticité » des Réunionnais… sans avoir à crapahuter tous les jours.

L.D.
Le parc national de la Réunion autorise les expéditions scientifiques mais sous contrôle. (photo L.D.)

Le parc national de la Réunion autorise les expéditions scientifiques mais sous contrôle. (photo L.D.)

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