Funambulisme entre deux cirques
Voyages.Libération.fr du 14 novembre 2011
De notre correspondant, Laurent DECLOITRE
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Il est indispensable de sillonner les cirques incroyables de La Réunion. Il est moins courant de gambader sur les crêtes vertigineuses qui séparent les trois cuvettes géologiques de l’île. Avec Julien, un aspirant guide de haute montagne de 33 ans aux allures de Jésus, le touriste qui n’a pas peur de communier avec le vide peut croire à l’indicible : progresser entre ciel et terre sur l’arête dressée entre Cilaos et Mafate. La course des Trois Salazes doit son nom à trois jaillissements rocheux qui se dressent, obliques et déséquilibrés, sur la crête étroite, à 2132 mètres d’altitude. Des « salazanes », ou pieux en malgache.
Pour y parvenir, le randonneur emprunte, dès 6h le matin, le sentier qui monte au col du Taïbit, depuis la route sinueuse de Cilaos. C’est parti pour 1000m de dénivelé positif. Après une bonne heure de montée sur le GR, le groupe oblique sur la droite. Le chemin de croix, mains accrochées aux racines, pieds farfouillant entre les blocs luisants, traverse soudain l’Eden : un plateau où Saint-Pierre a accroché des lambeaux de barbe verte aux branches tordues. Mystique.
Encore une heure avant d’arriver au saint des saints : l’arête mythique. Julien nous équipe de baudrier, nous sommes attachés les uns aux autres. La cordée serpente d’abord sur une sente bordée d’arbustes, qui nous épargnent la vue sur le vide. Puis l’herbe laisse place aux rochers, nous devenons funambules. De chaque côté de nos pieds parfois hésitants, parfois tremblants, « le gaz », comme disent les alpinistes : 300m côté Mafate, 600m côté Cilaos !
La marche des cimes se joue à pied, avec les mains, ou même avec les genoux des moins habiles lorsqu’il s’agit d’escalader des pans dressés au travers de l’arête. La vue est grandiose sur le massif du Piton des Neiges, sur le village minuscule de Marla perdu dans le cirque de Mafate. Nous voilà au pied des doigts tendus vers le ciel… Les salazes ne mesurent qu’une vingtaine de mètres de hauteur, mais sur leur sommet penché, on plonge dans un vide effrayant.
Julien monte en tête, puis nous assure. L’escalade est moins difficile que le fait de se dresser sur le piton et de défier le vertige, debout bras en croix. Nous sommes les dieux de La Réunion ! Le groupe, qui a bien marché, a le temps de monter au paradis sur deux des salazes, la troisième présentant de toute façon trop de difficultés techniques.
Le retour passe par des rappels de 35m, impressionnants pour les novices : faire confiance à la corde, au baudrier, se pencher, dos au vide, et descendre, pieds contre la paroi…
Le soleil laisse place à une pluie tiède ; à 15h, les muscles endoloris, nous sommes de retour sur le bitume. L’Ascension marque les esprits, convertit les sceptiques ; un pèlerinage exaltant, réservé cependant aux fidèles sportifs et au pied montagnard.
Laurent DECLOITRE
Rens : www.pranaventure, 0692 24 56 58, guide974@gmail.com
Tarif : 85€ par personne
Momo : adrénaline
Ce touriste de 25 ans est échafaudeur, dans la région de Nantes. Un métier qui l'amène à travailler à plusieurs mètres de hauteur. Pour autant, Momo avoue "une vraie frayeur, au bon sens du terme", au moment de traverser certains passages sur la course. "Surtout quand je suis descendu en rappel du deuxième pic, quelle adrénaline !", confie-t-il.
Simon : tremblote
Installé à La Réunion depuis quelques mois seulement, le jeune homme de 25 ans installe des climatiseurs dans les hôpitaux et les entreprises. "Je travaille souvent dans des nacelles, à 30m de hauteur, malgré une certaine appréhension du vide. Si j'y parviens pour le boulot, je dois y arriver dans mes loisirs !", raconte Simon. Durant la course, il reconnaît avoir eu "les jambes qui tremblent". "Mais je suis prêt à recommencer, c'est un beau défi personnel !"
Mathieu : énorme
Ce kinésithérapeute de 31 ans, qui assure des remplacements à La Réunion, est un bon amateur d'escalade. Il a franchi sans problème les passages les plus périlleux. Modeste, il assure que "la mise debout sur la salaze est quelque chose d'énorme"... "Ça envoie", conclut-il, enthousiaste.
Julien Michel
Depuis un an et demi, Julien Michel, aspirant guide de haute montagne (il lui reste à terminer son stage pratique), fait découvrir aux touristes de La Réunion les joies du canyoning, de l'escalade et de la marche d'arête. Pour les Trois Salazes, Julien prend maximum six personnes par cordée. Bonne humeur et professionnalisme au rendez-vous !
Via ferrata au-dessus d’une cascade
Entre des bananiers et des arbres du voyageur, la cascade Niagara tombe de ses 60 mètres à l’est de La Réunion. Depuis un an et demi, il est possible de se balader à flanc de la falaise humide en tutoyant le vide, « plein gaz ». C’est le principe des via ferrata : on progresse sur des barreaux, des échelles, des filets, des câbles, toujours sécurisé par deux mousquetons sur une ligne de vie. Point fort : un pont népalais dressé au-dessus des flots, avec une vue superbe sur les champs de canne et le final, une tyrolienne de 150m !
Niagara Vertical. Rens : 0692 48 55 54 ou sur www.niagara-vertical.net
Tarifs : 25€ par personne, les mercredi, WE et jours fériés (photo N.V)
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