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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus dans Libération
Sur sa pafe Facebook, Elio partageait sa passion avec ses amis.
Sur sa pafe Facebook, Elio partageait sa passion avec ses amis.

Libération du 13 avril 2015, de notre correspondant Laurent DECLOITRE

Attaque. Un adolescent a été tué alors qu’il surfait dans une zone interdite. C’est le septième décès dû à un squale aux abords de l’île depuis 2011.

Comme six camarades du pôle espoirs de surf, Elio, 13 ans, n’a pas eu la patience d’attendre le lancement d’un dispositif de vigies, censé sécuriser, à partir de cette semaine, la pratique de la glisse à la Réunion. Dimanche matin, les ados se sont mis à l’eau, au spot des Aigrettes, sur la commune de Saint-Paul, sur la côte ouest de l’île. Un peu après 9 heures, un requin s’est jeté sur la planche d’Elio et lui a arraché la partie droite du corps. Secouru rapidement, l’ancien champion benjamin est mort sur la plage, vidé de son sang. Le drame a suscité une forte émotion dans la communauté déjà meurtrie des surfeurs : depuis 2011, les attaques de squales se sont multipliées à la Réunion, causant la mort de sept personnes, principalement des adeptes de surf.

Drapeau rouge. «Quand je vois un petit se faire dévorer de la sorte, c’est une partie de moi qui part», a déploré, très ému, Patrick Florès, adjoint au maire de Saint-Paul, par ailleurs entraîneur national de l’équipe de France de surf.

Le drapeau rouge, orné de la silhouette noire du squale, a été dressé sur l’ensemble du littoral. En fin d’après-midi, un requin-tigre de plus de 3,5 mètres a été capturé dans la zone, mais l’expertise médicale a révélé que l’attaque avait été perpétrée par un «requin-bouledogue de 2,5 mètres». Le préfet de la Réunion, Dominique Sorain, n’a pas trouvé de mots «pour décrire l’horreur de la situation», se refusant à évoquer une quelconque imprudence du garçon. Pourtant, la veille, le directeur technique national de surf avait fait le point avec ses troupes et aurait déconseillé de prendre la vague. Les conditions s’annonçaient risquées, en raison d’une turbidité trop prononcée : les études scientifiques du programme bien nommé Charc ont prouvé que les requins-bouledogues et tigres, les deux espèces incriminées, profitent de l’eau trouble pour traquer leurs proies.

Comme en février, lors de la précédente attaque qui avait causé la mort d’une Britannique de 20 ans, le drame survient alors que la pratique de toute activité nautique est interdite en dehors du lagon et de zones sécurisées. Or, il est impossible de surfer dans le lagon, faute de vagues, et les deux seuls filets tendus sur les plages de Boucan Canot et des Roches Noires, à Saint-Paul, ne permettent que la baignade.

Aussi, les surfeurs bravent-ils depuis deux ans l’arrêté préfectoral, sans être vraiment intimidés par les forces de l’ordre. Seulement une trentaine de contraventions à 38 euros ont été établies depuis 2013.

François Hérault fait partie de ces passionnés. Depuis l’âge de 11 ans, l’homme de 24 ans n’a jamais cessé de pratiquer sur les spots de la Tortue, à Saint-Leu, ou du Perroquet, à Saint-Paul, tout près des Aigrettes où Elio a trouvé la mort. Face aux inquiétudes de ses parents, le surfeur estime qu’il ne prend pas plus de risque debout sur sa «longboard» qu’au volant de sa voiture. «Je surfe quand l’eau est claire et la mer pas trop forte», assure-t-il. Et si les conditions changent alors qu’il est au peak, là où se forme la houle ? «Je n’ai pas envie de rentrer en ramant avec les mains, alors j’attends la vague. Ça peut prendre un quart d’heure et là, je flippe un peu...»

Le préfet a indiqué dimanche qu’il allait renforcer les patrouilles pour éviter ce genre de comportement. Sans se faire beaucoup d’illusion : «On ne va pas mettre un gendarme tous les kilomètres ! Il faut responsabiliser les gens.»

«Sentinelles». Dominique Sorain est d’autant plus amer que le plan «vigies renforcées» devait se mettre en place dès mardi ou mercredi. Vingt-cinq nageurs, équipés de masques, tubas et d’une caméra, viennent de terminer leur formation sous la houlette de la ligue régionale de surf. Par binôme, depuis la surface de l’eau, ces «sentinelles de la mer» scrutent les fonds, peu profonds, où évoluent les surfeurs ; les images qu’ils prennent sont retransmises sur un écran installé sur la plage. Au cours d’une première expérimentation en 2012, il est apparu que leur seule présence semblait effrayer les requins. De fait, les vigies n’en ont jamais vu… Dès la levée du drapeau rouge, «dans deux ou trois jours», le pôle espoir pourra s’entraîner sous leur surveillance.

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