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L'actu vue par Laurent DECLOITRE

L'actu vue par Laurent DECLOITRE

Les articles de Laurent Decloitre (journaliste et biographe) sur la Réunion et l'océan Indien parus dans Libération, Marianne, Paris Match, l'Express, Géo et la presse nationale.

Publié le par Laurent DECLOITRE
Publié dans : #Articles parus sur mon blog

Roselyne Bachelot se prépare à la grippe depuis la Réunion

Grippe A . La ministre de la Santé est arrivée hier dans l’île où au moins 22 000 personnes ont contracté le virus.

Une île-éprouvette ? Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, et Marie-Luce Penchard, secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer, sont arrivées vendredi matin à La Réunion pour observer in vivo la progression du virus H1N1. Une visite de deux jours, «dans une logique d’anticipation et de préparation à la gestion de l’épidémie», précise un communiqué ministeriel. En clair, voir comment le département se débrouille face à la grippe A, qu’ont déjà contractée entre 22 000 et 30 000 habitants, selon les estimations. Puis en tirer des leçons pour la métropole, encore relativement épargnée.

Les Réunionnais s’estimant transformés en cobayes, Roselyne Bachelot a vite corrigé le tir. «La Réunion n’est pas un laboratoire, a-t-elle assuré depuis le centre hospitalier régional (CHR) de Bellepierre, à Saint-Denis. C’est le premier département de France en phase épidémique, ma visite s’imposait naturellement.»

L’île déplore deux décès et une vingtaine de patients sont hospitalisés, dont trois dans un état sérieux. Plus de 14 300 élèves sont absents des cours, soit 6,5 % des effectifs de l’académie, mais aucune école n’a fermé (la rentrée a eu lieu le 18 août). Ce qui incite le recteur Mostafa Fourar à adresser un message optimiste à la métropole : « Pas d’affolement, l'expérience montre que les enseignants et les parents restent sereins.» Pas si sûr... (voir par ailleurs)

En  attendant, la ministre a annoncé l’envoi à La Réunion de près de 2 millions de masques «antiprojections», de 600 000 masques FFP2 pour les professionnels et de 41 000 doses de Tamiflu. Trois épidémiologistes et un médecin de santé publique arrivent également en renfort. Jean-Claude Saly, chef du laboratoire d’hémato-bactério-virologie au CHR, ne peut qu’apprécier :«C’est hard, on a dû organiser des astreintes le week-end.» Petite voix, mine fatiguée, Patricia Pigeon-Kherchiche renchérit. La chef du service pédiatrie indique manquer de 19 infirmières, en raison des personnels grippés et d’un «déficit structurel». Elle interpelle la ministre, parle de «saturation des services d’urgence, au détriment des cas pédiatriques graves». Pour autant, les urgences étaient presque désertes vendredi…

« C’est tendu, mais pour l’instant on tient », confirme Guy Henrion, qui a « dédié » dans son service un accueil spécifique aux grippés. Peine perdue ! Rouhia berce sa petite Kélia de huit mois, en pleurs, le nez pris. « Ça fait trois jours qu’elle a de la fièvre, le médecin m’a dit d’aller aux urgences », raconte la maman, au milieu de malades… dans la salle d’attente réservée aux « autres consultations ».

Roselyne Bachelot, un peu enrhumée, serre les mains, fait la bise, assure le personnel de son «admiration», promet que les Réunionnais pourront se faire vacciner comme l’ensemble des Français «mi-octobre». Trop tard, déplore l’union régionale des médecins libéraux, le pic épidémique devrait alors être passé dans l’île.

Toujours sans masque, mais sortant cette fois sa casquette de ministre des Sports, Roselyne Bachelot réagit à l’annulation en métropole des deux matchs de l’équipe de rugby de Castres dans le Top 14, pour cause de joueurs grippés. «On réfléchit à un protocole qui concernera les manifestations sportives, mais aussi culturelles, voire politiques.» Le virus «très contaminant mais peu virulent» autorisant un ton plus léger, elle ajoute : «Ne pensez pas que je veux interdire l’université d’été du PS à La Rochelle, même si certains se sont pris en grippe.»

Ecoles grippées

A ce jour, dans l’académie de La Réunion, lorsqu’un maître est grippé, soit les écoliers sont renvoyés chez eux, soit l’enseignant est remplacé. « Dans ce cas, les élèves restent en classe, au risque de contaminer l’ensemble de l’école ! C’est une situation très mal gérée, incohérente d’une circonscription à l’autre », dénonce Didier Gopal, secrétaire départemental du Snuipp-FSU. Directeur de l’école Reydellet, à Saint-Denis, l’enseignant comptabilise près de 50 enfants absents sur 178 : « Une collègue a contracté la grippe, toute sa classe est tombée malade ! C’est bien la preuve que l’école est LE lieu de propagation du virus ». Erik Chavriacouty n’est pas étonné. « Il n’y a pas d’infirmière dans les écoles, rappelle le secrétaire général de l’Unsa-Education. Le maître doit repérer les états grippaux et demander aux parents de prendre leur enfant. Mais certains élèves reviennent après deux jours seulement ! »
Sylvie, maman d’Emilia, en CM2, se justifie : « Les garder une semaine ? Si on travaille, comment on fait ?! Après tout ce n’est qu’une grippe, faut pas s’affoler ». Devant les grilles de l’école Commune-Prima, Claudia est plus « inquiète ». « Si l’épidémie se propage, il faut fermer les écoles. Je suis prête à garder mes deux filles à la maison », assure la mère de Clorimar, en moyenne section, qui tousse sans prendre garde face à sa petite sœur Horimia…
Fermer, comme l’a fait l’île voisine Maurice? L’académie de La Réunion serait d’ores et déjà paralysée si le rectorat appliquait à la lettre les directives du ministre de l’Education, selon qui trois cas de grippe dans une classe motivent l’arrêt des cours. « Cela se justifie si l’épidémie n’est pas en plein développement, nuance le directeur de cabinet du recteur. Nous, on a passé ce stade, on n’en voit pas la pertinence ». « Même s’il y a 30% d’absents ? », s’interroge un enseignant, qui dit manquer « d’informations claires » et gère son école « au petit bonheur la chance ».

 

Pression maladroite sur les journalistes

Pierre Verges, président de Ile de La Réunion Tourisme,  a écrit au préfet de La Réunion et aux ministres pour leur demander de « modérer le discours alarmiste des médias nationaux ». Le vice-président du conseil régional a encore en mémoire « les dégâts collatéraux » sur l’économie de l’île qu'aurait causés le caractère "sensationnaliste" des articles et reportages réalisés lors de l'épidémie du chikungunya. Que Pierre Vergès demande à l'Etat de ne pas en rajouter sur l'épidémie de grippe A, il est dans son rôle ; qu'il souhaite museler la presse, il se trompe d'époque...

 

Un oeil sur la grippe

Roselyne Bachelot a profité de sa visite de l'hôpital Bellepierre, à Saint-Denis, pour se faire examiner par un médecin. La ministre, par ailleurs enrhumée, souffrait d'un froid à l'oeil, en raison d'une climatisation "trop sèche" dans l'avion qui l'a emmenée à La Réunion.


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